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Première Apocalypse de Jacques

John Lamb Lash

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Traduction par Dominique Guillet de l'essai "The First Apocalypse of James"

La Première Apocalypse de Jacques: 6 pages, un discours de révélation avec un dialogue, quelque peu fragmentaire. Sujets principaux: relations entre les Codex de Nag Hammadi et les Manuscrits de la Mer Morte, enseignements cruciaux sur les rencontres avec les Archontes et leur éviction.

Ce texte est un discours de révélation délivré à Jacques, ainsi que les érudits traduisent le nom Iakobos. Comment pouvons-nous appréhender l'identité de la personne ainsi nommée?

Les érudits du Gnosticisme assument que le Jacques ici nommé est Jacques le Juste “dont le martyre est décrit dans la partie finale, qui est maintenant presqu'entièrement perdue. [Il] est le frère du Seigneur. Bien que le personnage de Jacques était tenu en haute estime par les Gnostiques, il est plus particulièrement connecté à la Communauté Juive de Jérusalem” (W. R. Schoedel, Editions des Manuscrits de la Mer Morte).

Jacques le Juste est le chef spirituel vénéré qui joue un rôle central dans l'interprétation controversée des Manuscrits de la Mer Morte par Robert Eisenman. Dans son ouvrage Jacques, le frère de Jésus, une étude exhaustive de plus d'un millier de pages, Eisenman affirme que Jacques “le Juste” (Tzaddik) était le leader du “mouvement d'opposition” des Juifs ultra-conservateurs connus sous le nom de Zaddikim. Jacques, qui était en position de haute autorité dans le temple de Jérusalem, était confronté à l'opposition des Sadducéens et du tribunal du Sanhédrin, à savoir des Juifs conservateurs favorables à la collaboration avec les Romains, tout autant qu'à l'opposition des Pharisiens et d'autres sectes au sein de la classe des prêtres du Temple. En bref, Jacques était dans Jérusalem l'éclaireur solitaire en situation difficile de par son refus de toute collaboration avec les occupants Romains. Son vis-à-vis, dans le camp retranché de Qumran, sur la Mer Morte, était son frère de sang, Jésus.

Troubles en Palestine

Ce Jésus, donc, (parmi les quelques personnes que nous pourrions imaginer à cette époque et dans ce contexte) était un nationaliste Israélite et le principal prétendant au trône de la lignée de David. Les termes “Nazoréen” et “descendance Davidienne” s'appliquaient au Messie attendu à la fin des temps pour libérer les Juifs de l'occupation Romaine. Nazoréen fait référence à la branche (Nazor) ou à la lignée de sang de David et non pas à la localité de Nazareth. Jésus était le chef des Nazoréens parce qu'il avait été désigné comme l'homme qui serait le roi des Juifs. Tout cela fait référence à la religion Juive ou Israélite au tournant du premier millénaire. L'attente Juive d'un Messie n'a originellement rien à voir avec la notion Chrétienne de l'Avènement.

En tant que prétendant principal à la charge de Messie, Jésus, du camp retranché de la Mer Morte, a du être impliqué dans des actions de guérilla contre l'occupation Romaine de Palestine, dont des attaques terroristes contre des soldats et des citoyens ordinaires accusés de collaborer avec l'ennemi. Joseph, un historien Juif contemporain, livra un récit très coloré des atrocités commises en Palestine durant l'époque troublée qui commença avec la Révolte des Maccabées en 167 avant EC (ce qui correspond aux datations les plus antiques des Manuscrits de la Mer Morte). Les horreurs perpétrées par les Romains sur les Juifs furent égalées, sinon dépassées, par celles perpétrées par les Juifs sur leur propre peuple. La stabilité de la région fut menacée par le mouvement ultra-radical des Zadokites et la communauté Juive en fut déchirée. Zadokite est le nom du mouvement Juif insurrectionnel associé au culte des Zaddikim. Ils étaient également appelés les Zélotes.

De 167 avant EC jusqu'à la défaite de Siméon bar Kockba en 135 EC, c'est le même complot insidieux qui fait rage en Palestine, impliquant la même distribution de personnages cités de façon récurrente dans les Manuscrits de la Mer Morte: l'Homme de Mensonge, le Maître de la Vertu, le Prêtre Impie et les Fils de Zadok. Un des premiers érudits qui écrivirent sur ces Manuscrits, Théodore Gaster, mit en garde contre une interprétation trop littérale de ces types symboliques de personnages. Dans une analyse brillante des écrits Qumraniques, Hugh Schonfield montra que ces désignations étaient des noms de code qui pouvaient s'appliquer à diverses personnes historiques. En d'autres mots, c'étaient des rôles assumés par des individus historiques réels au fil de plusieurs générations. Le noyau dur du culte des Zaddikim semble s'être perçu comme vivant un scénario selon lequel leur Maître réapparaîtrait durant plusieurs générations, à chaque fois opposé par le Prêtre Impie, trahi par l'Homme de Mensonge et défendu par les Fils de Zadok. Si nous suivons leurs définitions de leur situation, nous pouvons assumer que ces titres font effectivement référence à des personnages historiques spécifiques mais non pas de façon exclusive, à savoir limitée à une seule personne pour chaque titre.

Robert Eisenman franchit l'étape décisive d'identifier les personnages historiques qui incarnèrent les rôles essentiels Qumraniques au premier siècle de l'Ere Commune: Jacques est le Maître de la Vertu, le Prêtre Impie était son principal adversaire parmi le Sanhédrin du Temple de Jérusalem, l'Homme de Mensonge est Saint-Paul et les Fils de Zadok sont les rebelles Zadokites de Qumran, l'avant-poste de la Mer Morte. (Le fait que Qumran était un avant-poste pour les militants luttant pour libérer la Palestine des Romains, et non pas une oasis pour de doux pacifistes hippies appelés Esséniens, est une information qui fut cachée du grand public par l'équipe des érudits de la Mer Morte sous le contrôle du Vatican). Les Zadokites semblent avoir été des terroristes comparables à ceux du début de l'OLP. Le personnage-clé parmi les rebelles du camp dans le désert de la Mer Morte était leur leader et héros national, Jésus, le candidat messianique destiné à devenir le “Roi des Juifs” et à gouverner un état Israélite théocratique libéré de l'occupation Romaine. Cette perspective ferait de Jésus le Yasser Arafat de la secte de la Mer Morte.

L'interprétation qu'Eisenman fait de l'histoire des Manuscrits de la Mer Morte a été condamnée en raison de sa politisation du Nouveau Testament mais, n'en déplaise à certains, son interprétation confère un réalisme poignant à ce Nouveau Testament. A la lecture des Actes des Apôtres et du feu croisé violent entre Jacques et Paul, il est impossible de dénier la pertinence de l'interprétation d'Eisenman. Le comportement de Paul devient plausible si nous assumons, ainsi qu'Eisenman le propose, qu'il fut recruté par le mouvement Zadokite (l'incident de Damas) et qu'il se retourna ensuite contre lui en piratant ses doctrines secrètes au bénéfice de sa propre religion. Dans le contexte politique qui peut être inféré à partir des noms de code des Manuscrits de la Mer Morte, l'entièreté du Nouveau Testament prend plus de sens qu'il n'en a jamais eu auparavant. De nombreux actes et paroles de Jésus paraissent étonnamment plausibles si on les resitue dans la lutte politique de cette époque alors que sinon, il n'en émane à peine plus qu'un vernis mystique ou qu'un charme de conte de fée. (Le genre littéraire des Evangiles est, rappelons-le, de la romance Helléniste, une interprétation romancée d'histoires miraculeuses embellies d'anecdotes quasi-historiques et de bribes de sagesse populaire). En bref, les aspects historiques et existentiels du Nouveau Testament sont plus convaincants à la lumière de l'interprétation radicale par Eisenman des Manuscrits de la Mer Morte. Et de loin plus convaincants.

Les Archontes à Jérusalem

Quelle est la relation entre, d'une part, tous ces événements tumultueux en Palestine il y a deux mille ans et, d'autre part, les Gnostiques et les enseignements Gnostiques? Et bien, plus nous appréhendons la situation historique réelle de l'insurrection Juive en Palestine et plus clairement pouvons nous percevoir ce à quoi s'opposaient les Gnostiques à cette époque et dans ce contexte. Examinons le texte concerné. La Première Apocalypse de Jacques est ainsi intitulée d'après le nom d'un personnage Qumranique clé, le Maître de la Vertu, mais elle représente Jacques sous des traits qui auraient profondément offensé les Zélotes et ceux qui les contrôlaient, l'élite des Zaddikim. Zaddik (épelé également Tzaddik et Tseddeq) signifie “vertu” mais le personnage dans ce texte est strictement différent du Jacques de la secte Qumranique.

Dans une inversion étonnante, ce texte décrit Jacques comme un vieillard Juif recevant un enseignement d'un maître Gnostique qui lui expose l'illusion des croyances Zadokites!

Le texte s'ouvre avec l'affirmation de Jacques selon laquelle il a écrit ce dont le Seigneur lui a parlé: ce texte est ainsi la narration d'un discours de révélation. “Le Seigneur” est écrit PISHOEIS, avec le PI (la lettre Grecque pi) indiquant l'article défini “le” qui est attaché au mot tel un préfixe. Le mot étrange Copte SHOEIS était un titre de respect pour une autorité religieuse, tel que “Révérend”. Le Seigneur est aussi adressé comme Rabbi mais nulle part dans le texte n'est-il identifié à Jésus ou au Christ. Celui qui prononce ce discours est un prototype du phoster Gnostique, le Révélateur.

Le Seigneur appelle Jacques son frère mais dénie une connexion de sang ou de chair: “tu n'es pas mon frère selon la matière” (24.14). Cette remarque frappante rompt avec la tradition, commune aux Juifs et aux Chrétiens, selon laquelle Jacques et Jésus sont frères de sang. Elle défie ouvertement le modèle Qumranique. Apparemment, l'auteur de la Première Apocalypse de Jacques était pleinement conscient d'adopter des personnages de la tradition Juive tout en les remodelant à ses propres fins.

Dans le passage d'introduction, le Révélateur a recours à un langage métaphysique pour souligner sa remarque quant au fait qu'il n'est pas lié à Jacques “selon la matière”. Il dit que lui-même est innommable mais qu'on lui a prêté de nombreux noms. Pour “féminité” (24.25), il faut lire biologie. Le Révélateur dévoile que son identité véritable est non-biologique mais parle ensuite d'être “saisi” et d'atteindre sa rédemption, comme s'il faisait presqu'allusion à la capture de Jésus dans le Nouvel Testament. Il semble que le Révélateur soit sur le point de se décrire dans le contexte bien connu de la Passion mais vient ensuite un dénouement inattendu. Jacques demande si “ils” vont le saisir lui-aussi. Les indicateurs de pronom en Copte constituent un terrible problème dans tous les textes des Codex de Nag Hammadi. Nous ne savons pas souvent ce que recouvrent “ils” et “lui”, mais dans ce texte, nous le découvrons immédiatement.

Le Seigneur confirme à Jacques que lui-aussi sera “saisi”. Le thème qui est introduit ici est la capture par les puissances extra-terrestres, les Archontes, et non pas la capture et la crucifixion par les Romains. Au lieu de représenter l'histoire bien connue de la Passion du Christ, la Première Apocalypse de Jacques disserte sur une expérience surnaturelle ou “psychique”. Le Révélateur avertit Jacques que “Jérusalem est un lieu de séjour de nombreux Archontes” (25.18). C'est une déclaration explosive dont il faut se souvenir. Si l'on considère le rôle de Jacques le Juste en tant que leader de l'opposition au Temple de Jérusalem, quelle inversion choquante de valeur cette ligne véhicule-t-elle! Jacques est informé que les Archontes infestent Jérusalem et les Archontes sont considérés par les Gnostiques comme des parasites mentaux qui inspirèrent la religion Judaïque! Dans le scénario récurrent des Manuscrits de la Mer Morte, Jacques est le représentant archétypique de la religion Judaïque pure et dure mais dans ce texte, il est mis en garde contre cette religion. Et il est conforté dans le fait que sa rédemption (sote) sera garantie: il sera libéré de l'intrusion Archontique.

Le Révélateur en vient ensuite à décrire l'organisation des Archontes mais le texte est très endommagé. L'Hebdomade (25.27), la septième, est le nom de code Gnostique pour le système planétaire. “Il existe douze hebdomades” signifie que le système solaire, ou les planètes qui le constituent, peut apparaître dans les douze zones zodiacales, les constellations. Le langage est obscure mais la numérologie cosmique joue ici évidemment un rôle. Dans ce qui semble être une transmission télépathique, le Sauveur dit “je donnerai un signe au sujet de leur nombre” et Jacques répond “voici que j'ai perçu leur nombre” qui s'avère être 72. C'est en effet une norme cosmique, le nombre d'années qui correspond à un degré de précession dans le Zodiaque. C'est un des rares exemples par lequel les Codex de Nag Hammadi font allusion (de façon quelque peu vague) à une connaissance astronomique exacte. Traditionnellement, les “Enfants de Seth”, comme les Gnostiques s'appelaient eux-mêmes, étaient réputés être des astronomes et des devins accomplis. Dans ses Antiquités Juives, Josephus suggère que les anciens Hébreux acquirent leur connaissance des étoiles des Séthiens.

Le Révélateur explique ensuite que les “autorités” (exousai) oeuvrent au travers des structures célestes mais il est impossible de comprendre ce que cela signifie à partir du texte tel qu'il se présente. Les Archontes sont souvent appelés les “autorités” ou les “gouverneurs”. La notion selon laquelle un ordre cosmique oppressif se reflète dans l'ordre politique et social, imposé par les autorités humaines, semble être unique aux enseignements Gnostiques. Cet aspect de l'enseignement du Révélateur est extrêmement exigeant. Jacques fait l'impasse sur un autre signe télépathique parce qu'il n'est pas “capable de se débarrasser de la pensée aveugle” (dianoia)(26.27) En bon Français, il est “aveuglé par la raison” alors qu'il devrait être guidé par l'intuition pure ou la connaissance silencieuse.

Maintenant, de par les questions de Jacques, un dialogue se met en place quant à la manière de confronter les Archontes. Le Révélateur dit que les puissances extra-terrestres “ne sont pas armées contre toi spécifiquement mais les unes contre les autres” (27.20). Cette remarque rappelle le témoignage de certains témoins contemporains d'OVNI/ET qui affirment que plusieurs espèces extra-terrestres, connues pour visiter la terre, se battent les unes contre les autres. Le texte est endommagé juste à l'emplacement où le Révélateur explique comment les Archontes sont armés. Le texte est clair, cependant, sur ce que cela requiert pour les confronter et leur résister: “mais il y aura en toi un silence et un mystère caché” (28.2). C'est une ligne puissante évoquant la manière dont les êtres humains peuvent s'opposer aux Archontes mais le courage est aussi nécessaire. La Révélateur ajoute un commentaire sobre: “Je suis pussilanime devant leur colère” (28.28).

Pour remercier le maître de ses paroles, Jacques s'adresse lui en tant que Rabbi: “tu es venu avec la connaissance (gnose) pour résister à leur oubli et avec la mémoire (mneme) pour chasser leur ignorance” (28.6-8). C'est ainsi que la gnose (vision paranormale) et la mémoire (de nos origines véritables) sont les deux outils permettant de résister aux Archontes. A ce point, Jacques semble s'être élevé à un niveau supérieur de compréhension et il parle de sa propre révélation. Il conclut: “Il y a en moi un oubli mais je me souviens cependant de choses qui ne leur sont pas propres (à connaître)” (28.22). Ce que l'on peut paraphraser par “bien que je puisse oublier ce qui est essentiel, je me souviens de plus que ce que les Archontes connaissent (c'est à dire, de plus que ce qu'ils sont portés à connaître)”.

Le Révélateur répond en louant Jacques pour sa compréhension et sa peur (salutaire). Il parle de rédemption, SOTE, une dérivation Copte du Grec soter. La rédemption évoquée n'est pas un don surhumain mais le fruit de la gnose, de la vision spirituelle.

L'Alignement avec Sophia

Il y a un changement de scène lorsque le Seigneur s'en va et Jacques marche seul dans les montagnes. Ce passage est endommagé. Le Seigneur réapparaît, accueillant Jacques avec le baiser connu pour avoir été utilisé par les Gnostiques lorsqu'ils se rencontraient dans les Temples des Mystères. Ils discutent d'une situation impliquant “ces gens”, ce qui peut faire référence aux Juifs de Jérusalem. Il semble, de nouveau, y avoir une allusion au scénario de la Passion du Nouveau Testament mais le Révélateur insiste: “En aucun temps, je n'ai souffert aucunement et je n'ai pas été affligé” (31.18-20). Cette ligne confirme la notion docétique selon laquelle les Révélateurs peuvent assumer un corps spectral et ne pas souffrir réellement dans la chair. Il est clair que cette vision contredit totalement la revendication Chrétienne d'expiation divine au travers de la souffrance du Rédempteur.

Le Seigneur observe que “ces gens” (qui l'ont attaqué?) sont “un type d'Archontes” (31.24) indiquant ainsi que les êtres humains peuvent être contrôlés ou même programmés par les Archontes de telle sorte que, bien qu'étant humains, ils agissent de manière non humaine. Ils deviennent des zombies spirituels. (Dans le Lexicon, je caractérise la modification Archontique de l'activité humaine comme un “clonage comportemental”).

Vient ensuite un passage dans lequel l'auteur adapte librement le personnage de Jacques le Juste à des finalités Gnostiques. Rappelons que la représentation traditionnelle de Jacques dans la tradition Judéo-Chrétienne fait de lui un rabbi ultra-conservateur. Une source ancienne, citée par l'historien Joseph, stipule que Jacques est si dévot dans la prière que ses genoux sont tels des bourrelets de pieds de chameaux. Cette image était largement répandue dans les premiers temps Chrétiens. Un tel homme n'accueille pas son instructeur avec une embrassade et un baiser, comme Jacques le fait dans ce texte. Le Révélateur l'appelle explicitement “Jacques le Juste”, mais attribue sa stature spirituelle à la sobriété de la gnose (32.4) plutôt qu'à l'accomplissement de la Loi ou de la Voie (la Torah). Et il ajoute, de façon scandaleuse, “toi qui as cessé cette prière (pour laquelle tu es si réputé)”. Dans cette allusion directe et mordante à la légende bien connue des habitudes dévotes de Jacques, nous voyons l'auteur Gnostique rabrouer ouvertement la tradition Juive.

Jacques est bouleversé parce que le Révélateur met très clairement en exergue son épreuve. Dans le scénario des Manuscrits de la Mer Morte, Jacques confronte la colère et la résistance des Juifs collaborateurs du Temple. Il souffre parce qu'il suit la ligne dure Zadokite. Dans la narration des Codex de Nag Hammadi, Jacques est sujet à la même hostilité mais pour une raison entièrement différente: grâce à la perception sobre de la Gnose, il voit au travers du comportement, programmé par les Archontes, des Juifs et des Romains dans Jérusalem.

Jacques est affligé parce que son épreuve a été si clairement décrite par son instructeur. Il pleure ouvertement, terrifié. Ils s'assoient tous deux sur un rocher - un détail anecdotique rare dans les Codex de Nag Hammadi. Afin de consoler et de soutenir son étudiant, le Révélateur lui délivre des instructions détaillées sur la façon de confronter les Archontes. (Ce passage est entièrement traité dans Un Principe Gnostique). Les Archontes sont réputés “voler les âmes la nuit” (33.10). C'est une révélation très claire qui rappelle les témoignages contemporains d'abductions extra-terrestres. Les Archontes jouent le rôle de péagers, telones, exigeant des mots de passe. Ce détail rappelle à l'esprit les protocoles de contrôle impliqués dans les processus d'intelligence artificielle qui, de nos jours, dominent une telle quantité de nos activités. Les Archontes ont-ils accès à notre mental au travers de l'espace cybernétique?

Le mot étrange en Copte pour “choses extra-terrestres” est SHAIMMO (33.35). Le Révélateur dit “qu'ils (les Archontes) ne sont pas entièrement extra-terrestres mais qu'ils sont issus d'Achamoth qui est la femelle (déesse)”. Nous avons ici un aperçu de la cosmologie Gnostique de la Déesse Déchue, Sophia. Achamoth, un nom qui est attribué à la Déesse Déchue, est une corruption du mot Hébreu Hockma, “Sagesse”, comprise comme un principe cosmique ou une divinité. Le Révélateur instruit Jacques de réciter devant les Archontes comment ils vinrent à l'existence en premier lieu et de les informer du fait “qu'ils nous sont effectivement apparentés car celle qui est leur maîtresse est issue du Pré-Existant”, (34.8-12), à savoir du Plérome, (34.8-12).

En bref, la façon pour Jacques de résister aux Archontes est de leur laisser savoir qu'il connaît qui ils sont et qui il est lui-même, dans le grand tableau. Les mêmes instructions s'appliquent à tous ceux qui choisissent de s'aligner avec Sophia, la divinité incarnée en la Terre.

Gardez-Vous de l'Envie

A la suite d'un passage endommagé, le Révélateur évoque “la connaissance incorruptible qui est Sophia” (35.6). Apparemment, il instruit encore Jacques sur ce qu'il faut dire aux Archontes. Après des paroles très confuses, la ligne 36.8 délivre une révélation en affirmant le fondement essentiel de l'enseignement Gnostique quant à la vocation supérieure de l'humanité: “la Sophia incorruptible est celle au travers de laquelle vous serez sauvés”. Cette révélation est le propre de l'élite et doit être préservée dans la connaissance silencieuse. Jacques est spécifiquement instruit de partager ce discours avec un autre Gnostique, Addai, qui le rédigera. Et il lui est conseillé de pleurer pour ceux qui résident en Jérusalem!

Du paragraphe 37 à la fin, le texte est largement illisible. Il y a cependant encore quelques envolées plus adoucies. 37.18 suggère qu'en apprenant au travers de l'intellect (noos), les plus jeunes possèdent un avantage et certaines choses peuvent être conférées avant l'âge de 17 ans. Jacques fait référence à sept femmes qui suivent le Révélateur et qui ont acquis la faculté de perception supérieure (esthesis). Rien de plus n'est intelligible jusqu'à la ligne 40.20 qui délivre un trait d'esprit “loin de toi toute illégalité” (anomia). Le mot Grec nous donne le terme “anomalie”, précisément ce que les Archontes représentent: une anomalie dans l'ordre cosmique. En paraphrasant: “gardes-toi des effets de l'anomalie”. Et le Révélateur ajoute “et fais attention de peur qu'ils ne soient jaloux de toi”. Les textes Gnostiques insistent sans cesse sur le fait que les Archontes envient l'humanité et c'est cette envie qui explique leur attitude hostile et agressive envers nous.

La Première Apocalypse de Jacques conclut ainsi avec un enseignement Gnostique clé sur notre relation avec les Archontes, même si ce message ne peut être appréhendé qu'avec une connaissance approfondie de la mythologie Gnostique. Je paraphrase: les Humains sont une singularité dans le cosmos, une projection directe du Plérome et les Archontes sont une anomalie, une espèce inorganique qui émerge de l'extérieur du Plérome en raison de l'impact de Sophia sur la matière élémentaire (dema, les états quantiques). La conscience des Archontes, telle qu'elle est, les induit à percevoir la singularité que nous sommes comme quelque chose qu'ils envient, quelque chose qu'ils veulent devenir mais n'importe quel effort qu'ils prodiguent pour fusionner leur mental avec l'intelligence humaine ne fait que faire dévier cette intelligence de la condition même que les Archontes nous envient! Il est crucial que nous nous gardions de leur envie parce que cela nous permet de rester vigilants vis à vis des effets anormaux dans notre mental.

John Lash

Traduction de Dominique Guillet.