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Pulsation Divine

L’Origine et l’Influence du Nexus des Shaktis

John Lash

Traduction de Dominique Guillet

Dans mon exposition du Tantra Planétaire, j’ai décrit jusqu’alors le Nexus des Shaktis sous deux angles de vue: comme une console de canaux clairaudients, comparables à des orgues gigantesques, et comme un grand mandala, une configuration iconique des forces du Divin Féminin dans leur expression Gaïenne et tellurique. J’ai également proposé que le Nexus, en termes géophysiques, soit une fissure turbulente dans le champ électromagnétique de la Terre. Une telle fissure a été détectée par les scientifiques de l’atmosphère en juin 2007. Elle devient de plus en plus instable en raison de l’inversion des pôles magnétiques de la planète. L’inversion du champ électromagnétique est un phénomène amplement débattu avec des ramifications qui sont, à ce jour, peu appréhendées. Les effets de la turbulence croissante dus à cet événement peuvent être perçus dans les vents violents, les super-ouragans, et les perturbations atmosphériques: un “temps de dakini”.

Au travers de ce que l’on pourrait appeler un mythe onirique (onirique: en rêve ou relation avec le rêve), j’ai proposé que Sophia, l’intelligence divine qui s’est incarnée en la Terre et qui l’anime, est dans un état de transe, ou similaire au rêve, mais elle vit un rêve lucide. Il me reste à expliciter clairement pourquoi j’affirme que Sophia est endormie et ce qui est impliqué par le fait qu’elle soit endormie et qu’elle soit dans un rêve lucide, plutôt que de se réveiller de son rêve, et, qui plus est, ce que cette situation implique pour l’humanité. J’ai introduit cette notion mais je ne l’ai pas pleinement élaborée et ce développement fera l’objet d’un prochain essai.

Un Choix Exquis

Dans la description du Nexus des Shaktis, plusieurs approches sont intéressantes dans la mesure où le Nexus constitue un phénomène numineux et vital d’amplitude et de profondeur immenses. C’est un phénomène à la fois mystique et tellurique. En termes d’imagination religieuse, je dirais que le Nexus des Shaktis est l’équivalent, en magnitude et complexité, du concept de “Dieu”, le Divin. Je n’entends pas, par là, établir une comparaison avec “le Créateur”, le dieu paternel qui façonne le monde à la manière d’un potier. L’Eon Sophia ne crée pas la Terre, elle l’anime par immersion totale dans les éléments géophysiques et atmosphériques de la planète tel qu’il est décrit dans la paraphrase du mythe de vision Gnostique chez Irénée (Contre les Hérésies, livre IV). “Le monde tel que nous le connaissons a émergé au travers d’une erreur, d’une anomalie” (Evangile de Philippe. Codex de Nag Hammadi). La création de notre planète est anormale parce que dans l’ordre habituel des événements cosmiques, selon de qu’enseignèrent les Gnostiques, un Eon du Plérome (coeur galactique) ne s’immerge pas dynamiquement dans les processus d’évolution planétaire qui se déroulent en permanence dans les bras galactiques.

L’Eon Sophia, tout d’abord, émana du coeur galactique la matrice de l’Anthropos et l’implanta ensuite dans un bras tournoyant, le troisième à partir du centre. Elle réalisa cela en tandem, ou en “yoga des consorts” (voir ci-dessous), avec un autre Eon, Christos. Ce couple Sophia-Christos réalisa, configura et projeta dans le bras galactiques la potentialité génétique de l’espèce humaine, l’Anthropos - un phénomène de panspermie tel que nous le comprenons maintenant. L’espèce humaine, sur cette planète, n’est pas la création ou la progéniture d’un dieu paternel, et non plus la progéniture d’un couple divin: c’est l’expression novatrice, expérimentale, et de libre jeu, de l’imagination créative des Eons.

Le rôle de Sophia dans l’expérimentation humaine est anormale parce que, en plus d’émaner la matrice génétique, ou patron, de l’humanité, elle s’impliqua dans l’évolution planétaire qui allait pourvoir un environnement pour que notre espèce puisse émerger et manifester l’expérimentation divine: elle émana l’Anthropos et elle anime la planète dont il émerge.

Avec le Nexus des Shaktis, nous entrons directement en présence du Divin, l’Eon Sophia dans sa manifestation planétaire ou tellurique. Le Nexus représente un aspect spécifique du Divin, la polarité féminine de Shakti, la force qui matérialise le monde sensoriel et se manifeste dans les êtres sensibles en tant que capacité de se laisser enflammer, de se laisser transporter par le plaisir ou le danger, de réagir à l’attrait, de s’abandonner à la révérence et de rendre hommage à la beauté.

Shakti est le déploiement extatique du Divin et, simultanément, ce qui génère ce déploiement, et ce qui en suscite notre reconnaissance.

Le mystère de Shakti réside dans ce qui nous fait percevoir le monde sensoriel. Comme Don Juan le dit à Castaneda: “Le mystère n’est pas tant dans ce que nous percevons mais dans ce qui nous fait percevoir”. Cette remarque concise résonne avec l’affirmation de Wilhelm Reich: “La sensation est le plus grand mystère de la science naturelle”. L’impact surnaturel de Shakti est présent dans chaque sensation qui atteint notre corps ou en procède. L’essence de cet impact, qui réside dans la force vitale, est une vague de choc ou une pulsation, appelée spanda en Sanscrit. Faire l’expérience en direct du Nexus des Shaktis, tout en étant en présence de la nature sauvage, c’est se ressentir enchâssé dans un tremblement massif qui se condense telle une énorme goutte de vapeur d’eau dans l’air et qui vacille.

Voilà pour quelques indications concernant le Nexus des Shaktis. Dans ce court essai, je vais expliciter l’origine du Nexus aussi loin que l’on puisse le détecter dans l’histoire de l’expérience mystique. Ainsi que John Myrdhin Reynolds l’observa (The Golden Letters), même si le mysticisme est un phénomène éternel et transhistorique et tant bien même la quête de notre connexion au Divin se situe au-delà de l’histoire et des contingences de l’existence, le mysticisme possède, néanmoins, sa propre histoire.


Le Yoga des Consorts

Ma découverte du Nexus des Shaktis arriva à un moment particulier, le samedi 9 août 2008, chez moi en Andalousie. Cette découverte fut suscitée par la remarque d’une femme qui était entrée dans ma vie, le jour précédent, le 8/08/08. Elle vint me voir des USA dans le but que nous explorions ensemble la notion de “yoga des consorts”. C’est un terme dans le Tantra Tibétain faisant référence à une collaboration intime, qui peut ou non impliquer une union sexuelle, entre deux adeptes du Vajrayana, connus formellement ou rituellement sous le nom de dakini (femme) et de daka (homme). L’exemple le plus célèbre de yoga des consorts concerne son fondateur, le mahasiddha Hindou Padma Shambava et Yeshe Tsogyal, une princesse Tibétaine. Leur expérimentation conjugale mystique représente le prototype du yoga des consorts - la Romance Vajrayana comme j’aime l’appeler.

J’étais particulièrement intéressé par l’exploration de ce yoga des consorts parce qu’il est dit dans la tradition Nyingma que les tertons, ou découvreurs de trésors, peuvent optimiser leur art de la détection et du recouvrement d’enseignements de sagesse sacrée en oeuvrant en couple. Le yoga des consorts est ainsi la démonstration suprême du système de Tantra convivial.

Cette découverte fut totalement spontanée. En début d’après-midi, ma future consort compulsait un ouvrage appelé Yantra rédigé par un historien de l’art religieux, Madhu Kahnna. J’avais également consulté ce livre, auparavant, et j’avais sûrement parcouru ce passage que la partenaire mystique me signala bien que je n’en avais pas perçu la signification jusqu’au moment où elle me l’indiqua. Ce passage est intitulé “Dasha-Mahavidya: le Nexus des Shaktis des Dix Grandes Sagesses”. Lorsqu’elle lut à haute voix ce titre, de façon anodine en savourant son thé, je fus instantanément électrifié. Première démonstration du yoga des consorts: ce qui est révélé en couple possède une amplitude plus élevée et une définition plus intense que ce qui est découvert seul. Au moment où elle lut ce titre, j’eus une intuition intégrale du Nexus des Shaktis tel qu’il allait se développer dans mon imagination et se présenter à ma perception directe en état de conscience accrue.

Selon mon expérience, les découvertes d’un terton sont toujours presque intégrales et instantanées. Vous recevez la totalité du terma en un seul éclair et vous prenez ensuite votre temps pour en expliciter le contenu. Les compositeurs de musique tels que Mozart et Scriabine ont évoqué un phénomène similaire. Scriabine ressortit à la notion de “vision à quatre dimensions” pour expliquer comment ses symphonies lui étaient transmises, presque complètes, chaque note bien à sa place. Il lui fallait simplement prendre le temps d’écrire ce qu’il entendait. Il ne composait pas la symphonie, il se contentait de la transcrire. Il en est de même avec les termas.

Selon la définition historique limitée, donnée par Mhuda Khanna, le Nexus des Shaktis est le groupe des dix Mahavidyas ou déesses de sagesse d’origine Hindoue. Elles sont présentées dans les temples comme composant un groupe intégral et habituellement disposées en cercle. Ces images graphiques ne sont pas de provenance antique mais plutôt relativement récentes. Assez rapidement, durant les jours qui suivirent le flash initial, ma vision du Nexus se développa à partir des dix personnages décrits par Khanna pour en arriver à dix-huit. Je n’ai pas élaboré conceptuellement cette structure, elle s’est tout simplement construite dans mon imagination.  On pourrait qualifier ce processus de découverte imaginale. Durant tout ce processus d’élaboration, j’étais en contact permanent avec ma dakini nouvellement rencontrée, ma “consort tantrique” qui reste à ce jour intimement impliquée dans la révélation du rêve lucide de Gaïa.

Je tiens à mettre en exergue le fait que le Nexus des Shaktis, fruit de mon élaboration, n’est pas l’oeuvre d’un seul mental, d’un seul mental mâle: il fut généré au travers d’une résonance romantique entre son mental et le mien. Ce fut le fruit du yoga des consorts.

Bataille Magique

Les érudits ne savent pas vraiment pourquoi ces dix déesses appelées les Mahavidyas ont été associées de manière aussi intime et ils ne savent pas non plus comment, où et quand cet agrégat particulier de manifestations de Kali a émergé pour la première fois. Mais il semble que cela soit relativement récent en termes historiques. Les représentations graphiques et iconographiques des Mahavidyas se trouvent dans l’art des temples Hindous datant au maximum de deux siècles, semble-t-il. Les légendes écrites concernant les Mahavidyas sont rares mais quelques versions en ont été cependant identifiées. De nos jours, les Mahavidyas sont au coeur d’un culte grandissant, une excroissance du culte  fanatique et largement répandu de Kali parmi les classes inférieures de l’Inde. Elles sont particulièrement révérées de par leur prétendu pouvoir d’exaucer les voeux personnels de leurs dévots, incluant le voeu d’être riche, oisif et jeune à jamais. D’où le terme de “désidératif”, dérivé du Latin desideratum “ce qui est désiré”. Il semble qu’il existe également un aspect négatif à l’indulgence divine. Les Mahavidyas sont réputées conférer le pouvoir de paralyser, d’engourdir et de tuer. Ces sorcières sont du type dangereux, ce ne sont pas des entités maternelles prodiguant nourriture et douceur. Dans un essai à venir, je vais expliquer pourquoi toute personne de nature aimable et sociable, qui considère d’un point de vue éthique et spirituel qu’il est préjudiciable et insupportable de faire du mal à autrui, pourrait envisager d’avoir affaire à de telles puissances.

Selon David Kinsley (Tantric Visions of the Divine Feminine), il existe cinq mythes d’origine des Mahavidyas dont deux sont validés par des références textuelles. Cette matière littéraire est récente et se trouve dans les écrits puraniques du 14e siècle. Dans l’une des versions, Daksha, une divinité de type paternel Hindou, proposa un grand sacrifice, rassemblant tous les dieux et les déesses du royaume céleste mais excluant sa fille Sati et son époux Shiva, le shaman rude et asocial. Sati est outragée par cette exclusion  alors que Shiva reste complètement indifférent vis à vis de cet ostracisme. Sati décide qu’elle assistera à l’événement, tant bien même qu’elle ne soit pas invitée mais Shiva le lui interdit. Elle s’emporte dans une rage à son encontre et lorsqu’il tente de s’enfuir d’elle, elle explose dans les dix formes de Kali qui sont maintenant connues comme les Mahavidyas. Il est confronté, de tout côté, par ces formes. Chaque déesse possède une apparence terrible et menaçante mais Shiva reconnaît finalement l’expression tendre de sa femme parmi ces manifestations. Faisant face à cet éventail de puissances femelles  intimidantes, incluant la célèbre “déesse de la guerre”, Kali en personne, Shiva acquiesce et accepte que Sati participe au rite sacrificiel des dieux. Durant la cérémonie, elle se sacrifie bizarrement en se jetant dans le feu cérémoniel, en laissant derrière elle ses dix formes spectrales avec Shiva. Les traditionalistes Hindous et Brahmines citent ce mythe comme justification ou comme précédent pour la pratique de sati, le rituel par lequel une veuve se jette volontairement dans le bûcher funéraire de son défunt époux.

Une seconde version, supposément tantrique, rapportée oralement à David Kinsley quant à l’origine des Mahavidyas, raconte comment Shiva, vivant avec son épouse Parvati (qui remplaça Sati) décide de quitter sa retraite de montagne mais Parvati refuse alors. Elle bloque son passage dans toutes les directions en prenant les dix formes des déesses courroucées qui sont toutes les manifestations de Kali. L’interprétation tantrique de ce mythe implique de nombreuses associations et corrélations avec les directions, les membres du corps humain, les cinq sens et les cinq éléments, etc. En bref, une iconographie complexe et une structure rituelle. Ces déesses, à la fois dans les pratiques tantriques et dans le culte populaire des Mahavidyas, président à la magie cérémonielle et à l’acquisition des pouvoir occultes ou siddhis, incluant ceux de nuire et de tuer, ainsi que nous l’avons déjà signalé. L’interactivité rituelle avec les Mahavidyas est essentielle à la pratique du Kala Tantra.

Ces mythes d’origine récente sont problématiques en raison, manifestement, de la contamination par des notions sexistes dérivées de la religion patriarcale du Brahmanisme. Néanmoins, les mythes suggèrent que la puissance de la déesse est supérieure à celle des hommes et des divinités mâles et promettent la satisfaction des désirs personnels au travers des formes courroucées du Divin Féminin. L’écrasement de la domination du patriarcat, et l’exercice des puissances surnaturelles, sont à mon avis les deux thèmes fondamentaux qui se font jour de par l’émergence du Nexus des Shaktis en cette époque de l’histoire humaine.

Avec le Nexus, il ne s’agit pas de regarder en arrière vers quelque événement primordial ou quelque vérité indigène légitimant cette configuration. il s’agit bien plutôt de regarder de l’avant dans le proche futur où la puissance des déesses courroucées deviendra accessible en tant que source de don surnaturel, pourvoyant les facultés magiques nécessaires à la défaite ultime du patriarcat. L’émergence du Nexus des Shaktis est le signal du début d’une bataille magique au service de la déesse Kali. Mais si Kali est une expression courroucée de la déesse de la Terre, Gaïa, comme je le propose, alors la bataille magique sera au service de Gaïa, sur son propre terrain, la planète même. Les dévots de la Mère Kali et des Mahavidyas seront en première ligne lors de la bataille. Et cette bataille se situe dans l’imagination humaine, dans le monde naturel et dans la société, simultanément. Ce conflit est global et terminal.

Le Shivaïsme du Kasmir

Le Nexus des Shaktis est un événement récent dans l’imagination religieuse de l’humanité. C’est un point fondamental à souligner. Ceux d’entre nous qui rendent hommage à la déesse planétaire Gaïa-Sophia et qui visualisent la Terre comme son incarnation, sont enclins à regarder en arrière vers les cultures perdues et les quelques sociétés indigènes qui ont survécu en tant que validation de sa présence et de son importance suprême. L’oeuvre de “recouvrement de la déesse” initiée par des femmes érudites telle que Merlin Stone est un retour vers le passé. Des études classiques, telles que La Grande Déesse du préhistorien et mythologue Jean Markale, mettent en valeur le Divin Féminin dans le lointain passé afin de nous reconnecter à lui aujourd’hui: afin de nous souvenir de nos racines perdues et de nous y lier. Le Nexus des Shaktis ne fait rien de la sorte. Il éveille notre attention au moment présent dans l’histoire et le proche futur, les dernières 200 années du Kali Yuga. C’est un attracteur étrange chargé de “choc et de révérence” qui nous propulse en avant vers le futur de l’humanité, dans l’anticipation de la prochaine mutation de notre espèce.

Bien que la validation du Nexus des Shaktis ne pourra pas être trouvée dans l’antiquité de ses origines, il existe quelques références historiques pour le Nexus considéré comme un événement dont témoigne l’expérience mystique. La période de création remonte au 10e siècle, suggérant la date pivot de 968 que j’ai associée avec la Quête du Graal de Perceval en Europe. De façon  parallèle et synchrone, il y eut un développement-clé en Asie. Son cadre fut le mouvement non structuré de mysticisme appelé Shivaïsme du Kashmir, une branche du vaste éventail du Tantrisme Asiatique.

Le Shivaïsme est nommé d’après Shiva, un terme pour la conscience unitaire infinie à l’origine du monde et de l’expérience subjective que nous en avons. En bref, la Source Divine. Les enseignements Shivaïtes qualifient cette source comme masculine, Shiva, en contraste avec la puissance féminine, Shakti, qui est le pouvoir de Shiva de manifester les mondes et leurs témoins considérés à part de son pouvoir de se contempler simplement lui-même, inerte et non manifesté. Selon la philosophie Shivaïte, la conscience constitue la seule réalité et la matière, qui lui est identique, apparaît sous l’effet de l’illusion d’être séparée. Le monde n’est pas une illusion, comme il l’est affirmé dans le monisme strict du Vedanta Advaita mais il apparaît, par illusion, être séparé de la Source Divine. La perception de la dualité et de la séparation est illusoire et n’est pas ce qui est perçu.

Cette vision diffère des enseignements de l’Advaita (non-duel) selon lesquels ce que nos sens perçoivent est une tromperie, une illusion pure et totale. A l’image du Bouddhisme Tibétain, la philosophie du Shivaïsme Kashmiri est phénoménaliste: elle affirme la réalité du monde sensoriel apparent, la nature vraie et authentique du phénomène. H. V. Guenther, un érudit Bouddhiste, reconnu pour son exposition particulièrement lucide du phénoménalisme Tantrique, écrit (Yuganaddha):

“L’illusion ne signifie pas l’illusion de la perception, mais la conclusion erronée que nous fondons sur la perception”.

En contraste avec le Shivaïsme, le Shaktisme, ou “culte de la déesse”, aborde le monde sensible et éphémère avec un phénoménalisme encore plus profond. Le Shaktisme est une école corrélée au Tantrisme Asiatique qui met en exergue l’expérience directe de la puissance manifestante du Divin, Shakti, plutôt que l’absorption dans la conscience fondatrice non manifestante, Shiva. Les buts de la pratique mystique dans ces deux philosophies sont différents. Selon l’approche Shakta, le monde n’est pas une illusion, non plus, mais la participation dans la manière dont il émerge et évolue est considérée comme plus intéressante que le phénomène yogique de l’union, la dissolution de la conscience dans un état non manifesté où rien n’apparaît ou n’arrive à part la présence rayonnante du Divin qui se contemple lui-même. Le Shakta reste fidèle aux phénomènes et c’est pour cette raison qu’il est souvent considéré comme un mystique dégénéré, un dualiste et un hédoniste.

Ma vision du Nexus des Shaktis et du Tantra Planétaire se caractérise par une approche Shakta plutôt qu’une approche Shivaïte: je reconnais et j’explore les aspects divins et surnaturels du monde manifesté, avec ses verrues et tout le reste. Je favorise et je promeus un mysticisme centré sur la puissance de la déesse, Shakti, Devi, le Divin Féminin. Il semblerait que l’approche Shakta eut été d’abord suggérée, en termes Occidentaux, par Taylor Coleridge, le Romantique Britannique qui inventa les termes “surnaturalisme naturel” même si Coleridge n’avait pas la connexion Dakini qui lui aurait permis d’élaborer ce thème à la manière dont je le fais aujourd’hui...

La première évidence d’un Shivaïsme structuré, et textuellement référencé, provient des années 750-800. ( A noter que c’est l’époque de l’émergence du Bouddhisme Tibétain ou Vajrayana mis en place par la mahasiddha Padma Shambava qui arriva au Tibet en l’an 747). Les premiers maîtres tels que Kallata et Ramakantha initièrent une tradition d’enseignement au travers de karikas ou vers courts, à réciter et à se remémorer. La principale collection de tels vers, le Spanda-Karikas, “Vers sur la Pulsation Divine (spanda)” est attribuée à divers mystiques qui vécurent vers l’an 1000. Aucun auteur spécifique ne peut être identifié mais la grande collection de vers est souvent attribuée au sage révéré appelé Vasugupta.

Il semble raisonnable d’assumer que Vasugupta, ou un de ses pairs, eut une expérience mystique profonde de la nature de la réalité, une prise de conscience authentique de la Source Divine. Les karikas consignent cette expérience et enseignent comment l’atteindre. Ils sont constitués d’affirmations extrêmement succinctes et convaincantes: “La nature de notre conscience de soi est identique à celle du témoin éternel qui est imprégné de Spanda-Shakti, dont l’essence est de lumière frémissante”. Spanda signifie pulsation, tremblement.

Un exposant contemporain très connu de la “divine pulsation” Shivaïte est Daniel Odier, dont le message sur le Tantra et le désir résonne d’une certaine manière avec ma présentation émergente du Kala Tantra. Odier, qui enseigne et transmet une forme de Tantra Asiatique inspirée de Devi, se fonde sur les Sanda-Karikas et un texte corrélé, le Vijnanabhairava Tantra et il cite Abhinavagupta (975-1025), une des superstars du Shivaïsme Kashmiri.


Le Chakra Shakti

Vasugupta, Abhinavagupta, et d’autres Shivaïtes eurent recours à de nombreux écrits pour expliquer qu’il n’existe pas de succession dans le temps. Selon un vers dans les Spanda-Karikas,

“Spandashakti, la pulsation divine créative, bien que libre de succession dans les moments linéaires du temps, apparaît dans divers aspects du temps telle une lumière qui s’allume et s’éteint”.

Les sages Hindous consacrèrent beaucoup d’efforts à expliquer comme le temps linéaire semble “s’écouler”, alors qu’en réalité il ne le fait pas. Ce paradoxe (ou illusion, si vous préférez) est réputé être appréhendé, de façon vécue et non théoriquement,  lorsque le mystique réalise “les pouvoirs glorieux du groupe des shaktis”. Les Spanda-Karikas utilisent le terme shakti-chakra “agrégat des shaktis”, conçu comme un cercle ou une roue (chakra) de pouvoirs féminins de manifestations émergeant de la Source Divine. Pour autant que je sache, ce serait la première référence textuelle à l’événement mystique-tellurique que je nomme le Nexus des Shaktis. J’ai découvert le prototype du chakra shakti dans les Spandas Karikas quatre mois après ma découverte imaginale de la configuration intégrale des 18 composants.

Les Spandas Karikas affirment que le chakra shakti est un agrégat de douze divinités féminines, et non pas dix ou dix-huit. Cette constellation de puissance cosmique féminine possède un effet miroir (vimarsha en Sanscrit): elle produit les mondes manifestés de l’univers et les sujets qui en sont les témoins à partir de la Source Divine, Shiva, à la manière dont un miroir produit une image de la cité qui lui fait face. Cette image de miroir est un effet magique de la Lumière Divine de la conscience fondatrice suprême, Shiva. En effet, la “Lumière du Suprême” est la surface miroitante. La Shakti de Shiva, son pouvoir de manifestation, est tel le fond argenté du miroir qui permet matériellement au verre transparent de produire une image:

Ces divinités embrassant la conscience fondatrice exaltée et non manifestée qui est leur source, génèrent le jeu de la manifestation de l’univers... Cet agrégat de pouvoirs est identique à la Lumière intérieure du Suprême. Ils engendrent la diversité de manifestation qui n’est jamais à part de la conscience fondatrice non manifestée, bien qu’elle semble l’être”.

Les Spandas Karikas consignent le témoignage vécu de mystiques qui ont pris conscience de la réalité ultime de l’univers. Il s’ensuit que leur témoignage s’applique au spectre intégral des phénomènes, non pas juste dans l’étendue cosmique ultime mais aussi à l’intérieur de chaque échelle inférieure ou chaque dimension enchâssée dans l’ordre cosmique. Ainsi, ce que les vers disent de l’univers dans son ensemble s’applique également à un phénomène local, tel qu’une galaxie ou une planète au sein de cette galaxie. Ce qui est vrai de l’univers entier l’est également spécifiquement pour n’importe lequel de ses composants, incluant la Terre. Les Spanda-Karikas évoquent les phénomènes telluriques ou planétaires par le terme bhuta “éléments terrestres”. Bhu est le terme Sanscrit pour terre, pour la planète physique. Bhudevi est un nom sacré pour la déesse de la Terre, Gaïa-Sophia. Le vers dit: “Shakti-chakra signifie le groupe ou l’agrégat de forces formatrices diverses du royaume de la terre (bhutas)”. Il est clair que le Nexus des Shaktis peut être considéré comme un phénomène tellurique, planétaire, local tout autant qu’un phénomène cosmique ou universel.

Selon la réalisation sublime de Vasagupta et de ses pairs, cet agrégat de puissances Shakti est constitué de 12 composantes et non de 10. Mais, selon une interprétation des plus intéressantes, les 12 pouvoirs divins sont décrits comme étant tous des variations d’un seul pouvoir féminin, Shristi Kali - une manifestation de la déesse du temps, Kali! Les douze aspects de Shristi Kali, “l’idéation créative dans le temps”, décrite dans les Spanda-Karikas, présentent un premier prototype du Nexus des Shaktis en tant que “vortex temporel”, ou trou noir temporel, pour ainsi dire. Cette image s’accorde avec les descriptions courantes des Mahavidyas. Madhu Khanna dit que ces puissances féminines, toutes des expressions de Kali, “représentent des forces qui sont corrélées aux puissances du temps”. D’autres érudits qui étudient les dix Mahavidyas soulignent ce même point: “A cette force du Temps suprême, Shakti de Kala, les Tantriques donnent le nom de Kali. Le Tantra affirme l’adoration de Kali, la force du Temps, comme la discipline première et fondamentale de la connaissance mystique” (S. Shankaranarayanan, The Ten Great Cosmic Powers).

Je ne vais pas m’étendre sur les corrélations possible entre les douze manifestations de Kali dans le shakti-chakra Shivaïte et les dix Mahavidyas. Il suffit de dire qu’elles ne sont pas évidentes et, en raison de l’obscurité sémantique du jargon métaphysique des Spandas-Karikas, qu’il ne vaut pas la peine de s’y aventurer. Je ne souhaite pas non plus me torturer l’esprit pour montrer comment les douze se résument à dix. De tels stratagèmes, caractéristiques du mental mâle, ne résonnent pas avec l’orchestration riche et spontanée du Nexus de Shaktis.

Le point important à mettre en valeur est que Vasugupta, autour de l’année 1000, présenta une préfiguration du Nexus des Shaktis, fondée sur une expérience vécue de mystiques confirmés. Ce fut un événement capital dans l’histoire du mysticisme planétaire et un épisode clé dans le Tantra Planétaire.

John Lash. Andalousie. 24 février 2009.

Traduction de Dominique Guillet.