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La Quête du Zodiaque

Chapitre 07. Images dans le Temps de Rêve


John Lash

Traduction par Dominique Guillet


Starhenge couvre les cieux comme les vestiges d'un rêve prodigieux qui se dissout. Les ruines les plus antiques du monde flottent au-dessus de nos têtes et, si l'on en croit les rumeurs, elles sont hantées. L'imagination contemple des “animations” là où les yeux ne voient que des étoiles. L'origine de ces visualisations est une énigme aussi gigantesque que le cercle même de ces étoiles. Cela pose des questions profondes et embarrassantes auxquelles il n'est pas possible de répondre tant que nous n'en savons pas plus sur la puissance formatrice de l'imagination humaine.

Il existe, cependant, des indices. Il se peut que nos ancêtres oubliés aient dépeint les constellations selon une vision proche de la sagesse traditionnelle de ces indigènes qui ont survécu depuis si longtemps, les Aborigènes d'Australie. Héritiers d'une tradition qui perdure depuis 40 000 années, ce peuple évoque une dimension appelée Alcheringa, le Temps de Rêve. C'est la demeure des esprits ancestraux, des grands animaux magiques, qui réalisèrent les actes (à savoir surtout, les chants et les danses, les stratégies de danse et les ruses) qui amenèrent le monde, que nous connaissons, à l'existence. Le Temps de Rêve fut l'aube de la création, il y a longtemps, mais il perdure dans le Maintenant. Le rêve dans lequel nous sommes nés continue de rêver au travers de nous. L'origine cosmique se perpétue dans le moment présent. Ce mode archaïque de pensée nous positionne dans un continuum en lequel tous les moments du passé, du présent et du futur sont entrelacés, fractalement fusionnés.

Le Temps de Rêve, une dimension appelée Alcheringa, est la demeure des esprits ancestraux, des grands animaux magiques, qui réalisèrent les actes (à savoir surtout, les chants et les danses, les stratégies de danse et les ruses) qui amenèrent le monde, que nous connaissons, à l'existence.

Starhenge est un vestige du Temps de Rêve, clignotant tel un immense écran d'affichage lumineux qui continue de faire défiler des informations bien longtemps après que la technologie, dont il est issu, ait été démantelée ou démolie. Selon le mythe scientifique courant, les étoiles des compositions ne nous seraient visibles que lorsque nos yeux sont sensibilisés par la lumière qui a voyagé durant des centaines de milliers d'années avant d'atteindre la terre. L'étoile Aldébaran, qui marque l'oeil du Taureau, se situe à 68 années-lumière dans le passé. Ne pourrions-nous pas dire que sa lumière nous arrive du Temps de Rêve, du Passé ancestral? Il est littéralement vrai (pour ce que cela vaut) que les Constellations formées par des étoiles situées à des années-lumières dans le passé sont des images fantomatiques, des post-images cosmiques. Existerait-il des sortes d'images-souvenirs qui véhiculent les archives de toutes les expériences que notre espèce a vécues depuis ses origines?

Lorsque nous contemplons maintenant le Zodiaque, il se peut qu'il y ait un autre genre de perception à l'oeuvre derrière nos yeux: l'esprit ancestral qui regarde au travers de nous comme si nous étions l'objectif d'une caméra. Il regarde du lointain passé vers le lointain futur. Comme nous assumons la fonction de l'objectif, nous ne pouvons pas voir ce qui est vu au travers de nous. Cependant, le rayonnement de ces lumières, éparpillées au loin, projette un faible reflet sur l'objectif (de la même façon qu'une scène peut se refléter dans les verres d'une paire de lunettes) et nous pouvons ainsi quand même percevoir quelque chose - les faibles contours étoilés des Constellations.

Un autre peuple indigène, les Bushmen du Kalahari, disent “qu'il y a un rêve qui nous rêve” et la mythologie Celtique contient de nombreuses histoires qui font référence au Tir-na-Nog, à l'Autre Monde, et à Avalennau, la “Terre des Pommes” (Avalon). Ce n'est pas un autre monde conçu comme un domaine au-delà du monde que nous connaissons. Ce n'est pas un royaume inaccessible, une sphère surnaturelle à l'image du paradis des Chrétiens. C'est plutôt un monde de ce monde et dans ce monde. C'est même ce monde, mais perçu différemment. Le Temps de Rêve et l'Autre Monde sont présents dans le monde ordinaire mais le zonage de notre mental, ainsi que le spectre de fonctionnement de nos sens, ne nous permettent pas normalement de les détecter. Certaines conditions peuvent induire des altérations qui ouvrent un interface entre ces deux royaumes, entre Ce monde et l'Autre monde. Comme nous le verrons, la possibilité d'une altération du Temps de Rêve se manifeste dans la progression du Cycle de l'Enfant-Etoile.

De Dendera à Durer

Les signes ne peuvent pas être visualisés mais les Constellations doivent l'être. La manière dont on réalise cette visualisation, lors de l'observation nocturne à l'oeil nu, ressort d'un choix personnel et est coloré par les facultés de l'observateur. Les visualisations réalisées au moyen de modèles graphiques sont fondées sur des précédents. Nous héritons de diverses versions de la forme imaginée des Constellations par le biais de cartes célestes et de poèmes descriptifs issus de nombreuses races et cultures. En tant qu'artefact visuel, le Zodiaque Stellaire a été développé par d'innombrables générations, qui remontent dans le lointain des temps préhistoriques. Diverses traditions ont contribué à ce processus, chacune à sa manière propre. L'histoire nous a en légué de nombreux exemples, tout autant sous forme textuelle que sous forme visuelle, des trésors d'art et d'archéologie provenant des cultures de toutes les races.

La visualisation du Zodiaque requiert, tout d'abord, que nous nous souvenions, en la revivant intérieurement, de la manière dont il a été antérieurement dépeint, et que, secondement, nous choisissions un style compatible avec la mentalité de notre époque.

Durant trente années de collection d'images du Zodiaque, provenant d'époques et de cultures différentes du monde entier, j'ai découvert des douzaines de variations pour chaque Constellation. La plupart de ces variations ne sont que des vestiges fragmentaires mais il existe, néanmoins, quelques représentations intégrales du Zodiaque Stellaire avec la panoplie totale des treize images. Parmi ces représentations intégrales, deux constituent des prototypes exceptionnels pour des versions graphiques subséquentes, des visualisations pour les yeux de l'esprit.

Des anciennes tablettes d'argile, dont l'origine remonte à Babylone aux alentours de 2200 avant EC, font référence au zodiaque comme harran-il-Shamash, “la roue du dieu-Soleil”. Les anciens savaient que le Zodiaque Stellaire est constitué de ces Constellations sur le chemin du soleil, quand bien même ces formations deviennent invisibles lorsqu'elles sont transitées par le soleil. Cependant, le Zodiaque solaire semble avoir été précédé par une version lunaire plus ancienne, beaucoup plus ancienne. S'étalant sur des milliers d'années, le développement de l'astronomie lunaire d'observation atteint un très haut niveau de précision. Aussi bien à Babylone, qu'en Chine, qu'en Egypte ou qu'en Inde, la plupart des Zodiaques archétypiques révèlent une structure lunaire car c'était la coutume d'observer le transit de la lune, nuit après nuit, au travers des Constellations. Bien que la lune, dans sa phase de croissance, prenne une aura perlée qui obscurcit les étoiles environnantes, sa lumière n'est pas à ce point aveuglante qu'elle puisse empêcher un observateur attentif de tracer sa course au fil des Constellations durant son cycle de 28 jours. L'astronomie et l'astrologie antiques naquirent comme des sciences jumelles et toutes deux étaient enracinées dans l'observation directe.

L'art des grottes paléolithiques, les textes sacrés, les calendriers d'étoiles, les sceaux royaux, les tablettes cunéiformes, les sculptures et les gravures: tout cela témoigne d'un Zodiaque dont les formes se métamorphosèrent. Des versions primitives anciennes possèdent sept Constellations, tandis que d'autres en possèdent dix-huit. Apparemment, le Zodiaque passa au travers de périodes de transformations chaotiques. La séquence que nous connaissons a évolué lentement, et erratiquement, durant au moins 6000 années.

Un artefact du Moyen Orient, la tablette de Dilbat (datée à environ 50 avant EC) répertorie douze mois, chacun avec une étoile spécifique qui le symbolise. Cela montre l'inclination à adapter le Zodiaque en treize phases à un modèle en douze mois à l'usage des rites saisonniers et de la planification des travaux agricoles (qui allaient ensemble). Malgré cela, la totalité des treize Constellations observables continuent d'être indiquées et inscrites dans les textes des calendriers composés par les prêtres-astronomes qui conservaient fidèlement les veillées sacrées de contemplation des étoiles. Comme ils sont antérieurs au modèle tropical du Zodiaque Gréco-Romain, ces textes citent constamment les noms historiques que nous avons adoptés. Par exemple, chez les Babyloniens, l'étoile marquant le huitième mois (le Chèvre-Poisson) était Uz, la “chèvre”. Le nom pour la Vierge était Belit, la “Grande Dame”; pour le Serpentaire, Sagimu, le “Prince des Serpents”. Il existe de nombreuses versions de ces noms (souvent sous forme de calembours) dans les listes d'étoiles Babyloniennes, Akkadiennes et Sumériennes. Dans tous les cas, elles font référence à des étoiles spécifiques et à des formations d'étoiles qui étaient visuellement observées plutôt que mentalement construites.

Ce n'est qu'à l'époque de Claudius Ptolémée, un astronome-astrologue oeuvrant aux environs de 150 EC, que le Zodiaque Stellaire observable sombra dans l'oubli, remplacé par le Zodiaque des Signes. L'ouvrage de Ptolémée, le Tetrabiblos, reste aujourd'hui une des pierres angulaires de la théorie astrologique. C'est un ouvrage hybride d'importance unique parce qu'il contient à la fois un inventaire intégral des Constellations et une théorie cohérente des Signes. Ptolémée privilégie, avec insistance, le cadre Ecliptique-Tropical et il écrit sur les Signes comme s'ils étaient des champs chargés plutôt que les secteurs vides d'un modèle.

Juste avant le passage à l'ère Chrétienne, 300 ans avant Ptolémée, le Zodiaque Stellaire fut concrétisé dans un artefact somptueux connu sous le nom de Zodiaque de Dendera. Découvert en Egypte en 1798 par l'un des généraux de Napoléon, ce modèle plat et circulaire d'un diamètre de près de trois mètres, fut originellement monté sur le plafond d'un temple. Bien que la date de sa construction finale soit relativement tardive, le Zodiaque de Dendera fait référence à des époques beaucoup plus lointaines, remontant peut-être à 4500 ans avant EC.


Zodiaque de Dendera


Le mot “temple”, corrélé au mot Latin tempus, le temps, signifie littéralement un “site temporel”. Un temple comme Dendera, orné de représenations astronomiques précises du Zodiaque, pourrait avoir constitué un site temporel utilisé à la fois pour les rituels sacrés et les observations scientifiques. Le fruit de millénaires d'observation céleste attentive et constante, Dendera préserve le Zodiaque originel comme une sorte de fossile. Les Constellations gravées par les artistes Egyptiens montrent l'influence Gréco-Latine de la période Helléniste. Néanmoins, tous les éléments originels et authentiques de la cosmologie Egyptienne sont intacts et magnifiquement dépeints. Dendera constitue un artefact précieux inspiré des Zodiaques fondés sur l'observation qui fleurissaient avant l'émergence des modèles astrologiques pimpants qui font l'impasse sur l'observation du ciel réel et qui réduisent les “animaux” célestes à des stéréotypes ordonnés en douze secteurs proprement rangés.

Le fruit de millénaires d'observation céleste attentive et constante, Dendera préserve le Zodiaque originel comme une sorte de fossile.

La seconde représentation complète, et d'importance exceptionnelle, d'images Zodiacales est une gravure sur bois datant de 1520. L'artiste Allemand, Albrecht Dürer, en collaboration étroite avec un astronome afin de garantir la précision de ses positions d'étoiles, produisit un jeu complet de représentations des Constellations Ecliptiques et Extra-Ecliptiques destiné à être recopié par de nombreuses personnes. Dans le jargon de l'ère informatique moderne, nous dirions que Dürer “reformata” un certain nombre de versions antérieures en un jeu d'images stylisées pour la mentalité de son époque. Son oeuvre s'avéra être extrêmement durable. Aujourd'hui, presque toutes les images de créatures Zodiacales dans les atlas stellaires, sur les cartes de voeux, les logos, les posters, les calendriers et les bijoux, dérivent d'une façon ou d'une autre de ses prototypes.

Zodiaque: gravure sur bois datant de 1520 et réalisée par Albrecht Dürer

La 13 ème Constellation

De Dendera à Dürer il y a un grand saut à effectuer et il y en a un autre pour arriver à notre époque; cependant, l'identité formelle et graphique du Zodiaque Stellaire demeure intacte. La redécouverte de la représentation visuelle du Zodiaque de ciel réel, occultée depuis si longtemps par les stéréotypes en tampons de caoutchouc du modèle des 12 Signes, va sûrement générer quelques ondes de choc. Le passage du 12 propret et fiable au 13 erratique est assez détonnant. Non seulement les Images Zodiacales possèdent-elles une amplitude irrégulière mais, qui plus est, leur nombre est impair.

En illustration: le Zodiaque à 12 signes inventé par Ptolémée.

La redécouverte de la représentation visuelle du Zodiaque de ciel réel, occultée depuis si longtemps par les stéréotypes en tampons de caoutchouc du modèle des 12 Signes, va sûrement générer quelques ondes de choc.

Il faut s'attendre, à ce point, à des froncements de sourcils de doute et de désapprobation, si ce ne sont pas des cris forcenés de protestation, de la part de ceux qui, dans la galerie astrologique, fondent leurs carrières et, très probablement, leurs visions du monde sur la fiabilité de l'antique Modèle T - T pour Tropical (Le “Modèle T” est le premier véhicule populaire produit de 1908 à 1927 par Ford aux USA). Au-delà de la modification du formatage, une bataille idéologique cruciale se profile sans doute à l'horizon. L'érudit radical Stan Gooch, dans son ouvrage Cities of Dreams, en 1989, défend la cause de la mystique du 13 avec une force de persuasion rare. S'inspirant de sources anthropologiques solides, il recouvre les connaissances interdites de la sorcellerie et évoque la complexité merveilleuse des nombreuses manifestations des Ténèbres, de la main gauche, des araignées et des treizes. Selon Gooch, le Zodiaque archaïque remonte à la version du Néanderthal de l'homo sapiens, qui est supposée avoir été supplantée par la nouvelle version de Cro-Magnon (un Yuppie de l'Age de pierre?) aux environs de 35000 avant EC. Gooch est la seule source que je connaisse à évoquer un pétroglyphe d'un Zodiaque intact à treize phases antérieur à 2000 avant EC. Il provient de la culture des “Mount Builders”, une culture Amérindienne dont les vestiges ont été retrouvés en Arkansas.

La comparaison entre le Zodiaque Stellaire et un cercle de pierre mégalithique est plus qu'un jeu de mots astucieux. Tout comme Stonehenge, et d'autres sites mégalithiques moins connus, Starhenge apparaît être, au premier regard, en ruines ou partiellement délabré. Les modèles quatre et cinq révèlent que certaines des étoiles des constellations sont éparpillées à une certaine distance de la bande Ecliptique. Comme nous l'avons souligné ci-dessus, les étoiles dans les figures de l'extrême périphérie sont telles les pierres éparpillées ou déplacées que l'on trouve sur des sites mégalithiques tels que Stonehenge, Long Meg et Callanish. Il arrive souvent que ces pierres soient intentionnellement positionnées en périphérie dans une finalité d'observation. De même, une analyse détaillée des caractéristiques de Starhenge confirme que les étoiles dans les figures de l'extrême périphérie pourvoient des indications directionnelles qui sont essentielles à la structure entière. Elles servent à orienter le cercle intérieur vers les régions extra-Ecliptiques. Starhenge s'avère être une construction high-tech de l'imagination humaine qui utilise les lumières célestes comme matériau de base.

Quant à l'effet de choc, le Serpentaire peut certainement nous réserver de belles surprises. L'impression que dégage cette forme gigantesque qui plane au-dessus du Zodiaque, dans les Modèles que nous utilisons, n'est rien en comparaison de l'impression générée par l'observation de cette Constellation. Il y a sûrement quelque chose d'étrange qui se passe avec le Zodiaque Stellaire car la perte de la 13 ème Constellation, et la restriction de l'astrologie à un modèle à 12 Signes en tampons de caoutchouc, ne peuvent que sembler ridicules à toute personne qui observe réellement la voûte étoilée. On ne peut pas passer à côté d'Ophiuchus, le Serpentaire, en raison de ses proportions majestueuses et des contorsions excentriques évidentes de sa posture. Si tant est qu'il faille écarter une constellation, le Serpentaire serait la dernière sur la liste.


Constellation d'Ophiuchus, le Serpentaire

Deux experts modernes du Zodiaque, Wil Tirion et George Lovi (Men, Monsters and the Modern Universe) comparent le processus de visualisation des Constellations à l'attitude d'un enfant qui découvre un petit chien dans les nuages qui passent. Cela nous rappelle, de suite, un vers de Shakespeare, lorsque Hamlet contemple la forme d'un nuage qui passe et qu'il s'exclame “Tout à fait comme une baleine”. On pourrait qualifier l'interprétation de Tirion et de Lovi comme une Théorie de la Visualisation des Constellations de style “Tout à fait comme une baleine”. C'est un magnifique exemple de préjugé ignare émanant de prétendus scientifiques. Cette explication des versions graphiques des Constellations est tout aussi triviale que leur allusion à la comparaison nuage/petit chien. Elle fait totalement l'impasse sur ce que la psychologie et l'anthropologie nous enseignent quant aux pouvoirs de l'imagination humaine. Bien que cela ne soit pas le propos des astronomes d'être au vif de la psychologie imaginale, ils devraient admettre leur ignorance plutôt que d'émettre des opinions aussi stupides que celles émises par Tirion et Lovi.

Si Tirion et Lovi étaient vraiment des observateurs patentés du ciel, ils n'auraient pas pu ne pas remarquer le point qui fait se dégonfler leur théorie “Tout à fait comme une baleine” comme une baudruche. A l'exception d'une paire de cas, les images mythiques, qui sont assignées aux Constellations, ne correspondent pas aux compositions d'étoiles. Ce n'est qu'avec difficulté, et peut-être même quelque résistance, que l'on arrive à percevoir le Crabe dans les étoiles qui le composent et il en est de même pour l'Archer, ou le Chèvre-Poisson ou quasiment n'importe laquelle des Constellations. La composition visuelle des Poissons ne ressemble pas plus à une Baleine qu'à autre chose et c'est avant tout un énorme V qui s'étale. Quasiment aucun de ces “animaux” ne peut être visualisé à la manière dont un enfant perçoit les formes de créatures câlines dans les nuages qui défilent.

Quasiment aucun mais il existe deux exceptions notables. L'une est le Scorpion. C'est une composition gigantesque et brillante, avec un torse solide de lumière vitreuse, extrêmement facile à discerner. Bien que ses pinces ne soient pas distinctes et qu'elles aient souvent été mélangées avec des étoiles de la Balance, le torse et la queue sont indubitables et garantis produire un frisson de délice terrifié à la première observation. Ce monstre est visuellement présent dans toute sa majesté terrible. La vision du Scorpion, chatoyant de menace diamantine, rend encore plus improbable la possibilité d'ignorer le Serpentaire parce que cette image se conforme également étroitement à ses étoiles de composition. Les deux figures n'en font qu'une et produisent un impact visuel gigantesque. On ne peut manquer d'en retirer une impression de conflit titanique à l'issue incertaine. Le héros de type yoguique luttant avec le serpent est positionné au-dessus du torse de ce monstre en carapace qui émerge de la Voie Lactée et s'avance d'un geste menaçant vers la Balance.


Serpentaire et Scorpion: Le héros de type yoguique luttant avec le serpent est positionné au-dessus du torse de ce monstre en carapace qui émerge de la Voie Lactée et s'avance d'un geste menaçant vers la Balance.


A Dendera, le Serpentaire apparaît comme un dieu à tête de faucon dans un bateau, au-dessus et touchant à peine le Scorpion. Il est clair que ces deux figures étaient perçues, par les observateurs Egyptiens, comme se mélangeant partiellement. La version de Dürer montre Ophiuchus de derrière parce que les gravures qu'il réalisa furent visualisées sur une sphère, un globe céleste, ou peut-être copiées à partir d'un tel globe. Nous regardons vers l'intérieur, de l'extérieur de l'univers, et la séquence est inversée. Le Serpentaire est représenté avec un pied sur le Scorpion et l'autre précisément sur l'Ecliptique. D'autres chartes célestes, provenant d'un certain nombre de sources classiques, montrent les jambes du Serpentaire qui s'étendent largement vers le bas de la Voie Lactée, fusionnant avec les étoiles composées du Scorpion. Les frontières officielles de l'Union Astronomique Internationale donnent également au Serpentaire une composition qui s'étend en-dessous de l'Ecliptique jusqu'à l'étoile -45, juste au-dessus du dard du Scorpion.

Je fournis ces détails pour contrer en avance l'accusation prévisible selon laquelle je serais en train d'insérer une fausse treizième Image dans le Zodiaque. D'autres avant moi l'ont fait et cela s'est très mal passé. Depuis les années 1970, il y a eu différentes tentatives d'introduction d'un Zodiaque à 13 phases et même à 14 phases incluant Cetus, l'énorme Constellation que nous avons vu s'étaler en-dessous du Bêlier dans le Modèle 3. De nos jours, ces efforts sont virtuellement inconnus parce qu'ils ne réussirent pas à proposer un système fondé sur les Etoiles qui soit au moins aussi intéressant, aussi convaincant, que l'astrologie fondée sur les Signes. Depuis l'époque de Ptolémée, la pancarte qui a été clouée sur le Zodiaque des Signes a clairement mis en garde: “n'essayez pas de le réparer car il n'est pas cassé!”

Lorsque les modèles non-visuels des Signes astrologiques supplantèrent les plus anciens modèles fondés sur l'observation directe, aux alentours de 150 EC, le Serpentaire fut perdu. Le Serpentaire réapparaît lorsque nous recouvrons le Zodiaque de ciel réel. La prépondérance de ce personnage dans le Rimsite est une propriété fondamentale de ce modèle conceptuel. Cela convient parfaitement de placer l'Equinoxe de Printemps (sous l'un des Poissons) à la position de 9 heures sur la gauche du modèle. Cela met l'est saisonnier à gauche, là où se trouve le vrai est lorsque nous observons dehors le Zodiaque. Tout le dessin est pratiquement exact et il peut être utilisé comme instrument d'observation nocturne: face au sud, vous pouvez voir les Constellations se déplacer de la gauche (l'est) vers la droite (l'ouest), en défilant dans le sens opposé des aiguilles d'une montre, précisément comme elles sont déployées dans le Rimsite. La direction vers le centre de notre galaxie est marquée par la pointe de la flèche de l'Archer (une coïncidence cosmique?), à côté du mollet droit du Serpentaire. Le Rimsite met ainsi le centre galactique devant et au centre, donnant au Zodiaque Stellaire une orientation véritablement cosmique.

En sus de sa prééminence structurelle, le Serpentaire suscite notre très grande attention pour d'autres raisons. C'est la plus périphérique de toutes les Constellations. Son étoile de tête, Rasalhague, est souvent dépeinte comme partagée avec la Constellation circumpolaire d'Héraclès, le héros solaire. Il est vrai que ce sont toutes deux des figures mâles de pouvoir mais la dynamique du Serpentaire révèle que son défi est la maîtrise de soi et non pas l'exercice du pouvoir sur autrui. Il n'est en aucun cas une idole de suprématie mâle. Son énorme stature, planant à la verticale, peut être perçue en complémentarité et en équilibre de la figure massive et allongée de la Vierge, le personnage féminin qui s'étend sur 47 degrés - et encore, elle est agenouillée! Le sexisme a sûrement été amplement inscrit dans de nombreuses histoires et thèmes mythologiques que nous héritons du passé mais dans le Zodiaque Stellaire, il existe une représentation pleine et équilibrée des deux sexes.

La Vierge, la Déesse Terre, ou la Dame Nature, est la contrepartie exacte et nécessaire du Serpentaire. Dans l'astronomie Babylonienne primitive, elle était dépeinte comme une femme dragonesque, ou un serpent ondulant à tête de femme, une image cosmique de l'ADN.

Un grand nombre de chartes célestes, de tablettes cunéiformes, de pétroglyphes et de peintures sacrées de l'antiquité dépeignent le Serpentaire. Un des plus anciens compagnons et reflets de l'esprit humain, il est le prototype du “guérisseur blessé”, le personnage central de toutes les traditions shamaniques qui ont précédé la religion organisée. Le shaman était réputé essentiellement pour trois facultés: la capacité d'aller et venir de cette dimension à d'autres, la maîtrise (et non le contrôle) du Pouvoir Serpentin appelé Kundalini, et le don de la guérison. Le Serpentaire est un personnage Dionysien, enchanté par des flux sublimes. Planant au-dessus du Zodiaque, il attire en lui les forces puissantes et “sources d'animation” de tout l'ensemble. Son exploit de maîtrise personnelle soutient la dynamique de régénération morale et physique dont notre monde est si dangereusement dépourvu.


La Nebula IC 4603 dans la Constellation du Serpentaire

L'exclusion du Zodiaque du Serpentaire nous en dit beaucoup sur nous-mêmes en tant qu'espèce. Le Serpentaire réactive ce que nous avons supprimé. Plutôt qu'un simple dommage collatéral d'omission, le Serpentaire est la victime d'un tabou. Il incarne les pouvoirs extatiques ou Dionysiens en chacun de nous, la capacité de trembler d'admiration, d'être submergé de visions et de fondre dans la danse. Il personnifie la dissolution de l'ego dans les moments d'extase. Il dévoile les secrets les plus intimes de la dynamique psycho-somatique, la puissance à l'oeuvre en nous qui se transforme aisément en autodestruction (le Scorpion) lorsqu'elle n'est pas revendiquée et maîtrisée. Ce n'est pas un genre de sauveur, mais un symbole des forces qu'il nous faut intégrer afin de nous libérer du besoin d'être sauvé. Le recouvrement de l'intégralité du Zodiaque Stellaire dépend énormément de la manière dont nous imaginerons et intégrerons cette image sublime et enchanteresse.

John Lash

Traduction de Dominique Guillet

Constellation d'Ophiuchus. Le Serpentaire n'est pas un genre de sauveur, mais un symbole des forces qu'il nous faut intégrer afin de nous libérer du besoin d'être sauvé