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Le Mythe de Gaïa

"Commentaires"

John Lamb Lash

Traduction par Dominique Guillet.

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Introduction aux Commentaires

Dans le Dzogchen, Garab Dorje est le premier instructeur humain de la quintessence de la vision de la Conscience pure et spontanée (Rigpa en Tibétain, comparable à la pronoia dans le Gnosticisme). Dans la réorganisation imaginale du scénario de la Déesse Déchue en Mythos de Gaïa, Garab Dorje pourrait être considéré comme une présence adombrante, un gardien sublime du processus mythopoétique. La mascotte du projet, pour ainsi dire.

Le Dzochen enseigne que tous les états subjectifs du mental, de même que tous les phénomènes matériels, émanent de cette Conscience pure et spontanée. Parallèlement, les Gnostiques enseignèrent comment la Pronoia de l'Originateur s'épand dans l'activité génératrice de mondes des Eons, dont l'Eon Sophia, qui devient la Déesse de la Terre. La Prajna Paramita Hrdaya du Bouddhisme, “la suprême sagesse du coeur” est identique au principe de Sophia, la dissémination de la Gnose au sein de l'humanité. Le développement de notre sagesse innée précieuse est favorisé par notre perception de la façon dont elle se reflète dans notre expérience du monde naturel.



Le cadre ultime de la nature est l'entièreté de l'univers qui est constitué de milliards de galaxies. Le Gnosticisme, tout comme le Bouddhisme, nous enseigne que nous devons prêter notre attention au fait que lorsque nous visualisons des événements à l'échelle cosmique, c'est dans notre propre mental que nous observons. Cependant, la corrélation entre le mental et le cosmos est plus intime et plus profondément impliquée dans le Gnosticisme que dans le Bouddhisme parce que les Gnostiques avaient recours à leurs pouvoirs visionnaires pour découvrir le miracle de génération de mondes jusque dans le royaume de la nature, dans les processus physiques mêmes de la biosphère. Ils étaient ainsi capables de discerner les conditions qui caractérisent spécifiquement notre système de monde. Guidés par l'intuition cosmique des initiés Gnostiques, nous pouvons co-évoluer avec Gaïa et sa myriade d'espèces.

Les Commentaires pour la première partie du Mythos de Gaïa concernent le drame de la Déesse Déchue avec de fréquentes allusions à l'astrophysique et à la structure de notre galaxie telle qu'on la connaît actuellement. Les notes qui y sont offertes ne sont pas indispensables à la compréhension de l'histoire car l'histoire se tient par elle-même. Mais elles peuvent nous aider à appréhender comment le Rêve de la Déesse Sophia a produit et sustente notre monde.

En tant qu'enfants de Gaïa, nous avons encore beaucoup à apprendre au sujet de “la plus géniale des hôtesses”. Mais l'apprentissage ne se résume pas à un processus d'accumulations de faits, d'empilage de contenus et de stockage de matériau mental. L'apprentissage implique plus fondamentalement d'harmoniser son coeur et son mental avec ce qui vaut vraiment la peine d'être connu. Tout ce que nous aimons apprendre, de façon individuelle, s'entrelace en un vaste tissu de sagesse, la narration de notre espèce. Il est fascinant d'observer où les prédilections individuelles pour l'apprentissage convergent et où elles divergent... Le processus d'apprentissage n'invalide ou n'annule pas notre présence mémorisante par laquelle nous reposons dans le vide de la connaissance. C'est comme si l'apprentissage le plus profond impliquait simplement de contempler comment nous apprenons et désapprenons.

Tout comme Garab Dorje contemple, lové dans une Structure de Mandelbrot, dans une mer d'exquises flammes fractales.

Dans la Gnose tout comme dans le Dzogchen, nous découvrons de façon innée ce que nous cherchons à connaître au travers d'une quête externe pour la connaissance. Les enseignements de la Gnose peuvent offrir “des instructions de désinhibition” (comme Philip K. Dick les appelait) grâce auxquelles nous accédons à l'enseignement essentiel qui vit en chacun de nous, dans le trésor de notre coeur et dans la perfection de notre mental. L'apprentissage est un processus, comme la respiration, le sommeil, l'ingestion de nourriture ou le jeu. Mais ce processus reste superficiel tant que nous ne sommes pas profondément influencés par ce que nous apprenons et pouvons apprendre. Dans son ouvrage A Mantis Carol, un exposé du mythos de la création chez les San Bushman du Kalahari, Laurens van der Post écrivit:

“Nous savons tous plus que nous nous permettons à nous-mêmes de savoir en raison d’une certaine couardise en face de l’ineffable et d’une peur d’accepter son influence sur nous pour nous guider vers la nature de sa réalité”.

O combien magnifique de prendre conscience que nous pouvons être guidés dans l'expérience de Gaïa en acceptant la façon dont Elle nous influence. La manière la plus directe d'être influencé par le cosmos est de pratiquer la présence, en pleine conscience de l'unité du vide et de la compassion. Le Bouddhisme Tibétain présente des enseignements lucides quant à cette pratique. Le Gnosticisme présente un enseignement parallèle sur la Conscience innée et auto-génératrice. La pratique principale est ici de réaliser le point de fusion de la contemplation pure par l'abandon à l'aspect surnaturel de la nature, la Beauté. Cela est accompli en présence du monde naturel, en contemplant tout simplement le miracle de la planète en laquelle nous demeurons, mais cela peut aussi être accompli au travers d'un processus imaginal au fur et à mesure que nous apprenons à percevoir le monde de Gaïa selon Ses propres termes. Les notes sur le Mythos de Gaïa ont pour finalité de guider et d'inspirer notre vie imaginale.

L'expérience de Sophia est décrite sous la forme d'une histoire dans le Mythos, et le propos de l'histoire est de générer l'empathie avec la Déesse, tout comme les histoires le font. Les commentaires expliquent l'arrière plan du Mythos et clarifient certains termes, mais aussi, au-delà de tout cela, ils élucident les dimensions secrètes de Son histoire.

“Si vous êtes le Rêveur, je suis ce que vous rêvez.
Mais lorsque vous voulez vous éveiller, Je suis votre souhait
Et je me renforce dans la magnificence
Et me transforme dans le silence vaste d'une étoile
au-dessus de la cité distante et étrange, le Temps.”
Rainer Maria Rilke.


Prélude: les Dieux Cachés

Océan sombre de conscience. Un terme emprunté à Carlos Castaneda qui indique la présence mystérieuse de la conscience dans l'ensemble de l'univers. Voir son ouvrage, Le Voyage Définitif.

Générateurs. Ma traduction du terme Grec Eon, dieu, émanation, cycle temporel, pouvoir générateur. Sophia est un Eon, une des divinités dans la communauté appelée le Plérome.

Après avoir mûrement réfléchi, je suis convaincu que le Générateur est le terme moderne et théologiquement neutre le plus adapté pour véhiculer ce que les Gnostiques entendaient par Eon. Les Générateurs sont les dieux primordiaux de la théorie Asiatique de l'émanation. Ce sont des puissances immortelles mais qui ne sont pas continuellement actives. Durant les périodes de latence, ils se retirent et deviennent comme non existants. Ils ressemblent aux émanations divines numineuses du Bouddhisme (entités du Dharmakaya, etc.) mais ils possèdent des pouvoirs de génération de mondes qui ne sont pas reconnus par les métaphysiques Bouddhistes. Le Bouddhiste auquel on pose la question suivante, “si ce n'est pas un dieu quelconque qui a créé le monde, qui l'a fait?” va répondre que le Karma crée le monde. Il n'est bien sûr qu'un Bouddhiste assez sophistiqué qui puisse être capable d'une telle réponse. (Voir l'ouvrage de Myrdhin Teynolds, Self-Liberation through Seeing in Naked Awareness).

Un Eon signifie aussi un cycle temporel, car il est compris que les Générateurs ont chacun une période de temps qui leur est allouée pour réaliser des émanations. Ils émanent la myriade de mondes sur le mode des effets différés. Le terme Eon fait référence à une période d'émanation Eonique. Je suggère, ci-dessous, que le cycle de vie de Sophia puisse être calculé en Géons, de longues époques du temps terrestre. Le Mythos de Gaïa comprend mille Géons.

Originateur. Comme dans les métaphysiques Hindoues, la cosmologie de l'émanation Gnostique est à la fois monothéiste et polythéiste. La divinité unique et suprême est appelée le ProPater dans les codex Gnostiques. L'Originateur peut être comparé au Dieu Rêvant, Vishnu, dont le regard qui tout englobe et l'amour brûlant sont présents derrière tous les masques, tous les personnages dans le Temps de Rêve, incluant les dieux et les déesses à la pelle. La religion Païenne était intrinsèquement tolérante parce qu'elle préservait une reconnaissance universelle de la multiplicité des dieux se manifestant d'une source unique, et qu'elle n'imposait jamais la suprématie d'un dieu particulier.

A strictement parler, les religions Abrahamiques ne sont pas monothéistes (à savoir fondées sur le principe d'un dieu unique) mais hénothéistes. L'Hénothéisme de l'Ancien Testament est la croyance en la suprématie d'un dieu au-dessus de tous les autres. La mise en oeuvre de cette croyance requiert l'intolérance. D'où le Deutéronome 12:2-3:

“Vous détruirez tous les lieux où, dans les nations que vous posséderez, servent leurs dieux, sur les hautes montagnes, sur les collines, et sous tout arbre vert. Vous renverserez leurs autels, vous briserez leurs statues, vous brûlerez au feu leurs idoles, vous abattrez les images taillées de leurs dieux, et vous ferez disparaître leurs noms de ces lieux-là.”

Le commandement Mosaïque: “tu ne contempleras pas d'autres dieux devant ma face” implique qu'il existe d'autres dieux, des divinités en compétition qui doivent être éradiquées. Le dieu monothéiste peut être défini comme celui qui exige la suprématie sur les autres dieux et éventuellement la suprématie totale. Les adeptes des cultes religieux Païens étaient libres de vénérer des formes polymorphes des mêmes divinités, toutes subsumées dans la même présence divine qu'ils considéraient être enracinée dans la nature, bien que non limitée exclusivement à la sphère terrestre, parce que la nature inclue aussi le cosmos extérieur au-delà des limites de la Terre. Sans une vision moniste et polymorphe des êtres divins, il est impossible de développer un mythos quelconque de création qui soit cohérent. C'est pour cela que les textes sacrés du Judaïsme, du Christianisme et de l'Islam sont totalement dépourvus de cosmologie.

Déité, divinité. En ce qui concerne les majuscules, je préfère les éviter au maximum dans le Mythos. Les majuscules tendent à renforcer la supposition de substance, une problématique que nous avons évoquée par ailleurs dans ces Commentaires. Je vais donc laisser les deux termes, déité et divinité, sans capitales. Générateur et Originateur sont des termes spécifiques qui définissent la perspective métaphysique et devraient ainsi être mis en exergue. Ils font référence à des principes ultimes plutôt qu'à des entités théologiques. La Déesse, en référence à Sophia, ou autre, sera écrite en majuscule afin de contrebalancer la convention, de longue date, de mettre en majuscule la variante mâle, Dieu.

Une Déesse qui tomba des cieux. Les Eons émanent, normalement, les conditions qui génèrent les mondes mais ils ne s'engagent pas physiquement ou dynamiquement dans les mondes ainsi créés. En raison d'une anomalie cosmique, l'Eon Sophia dépasse impétueusement les frontières cosmiques et plonge sur la terre. Plus exactement, cet Eon devient la divinité qui demeure en la Terre. Aucun autre Eon dans la communauté des dieux cosmiques est impliqué, de façon comparable, dans notre monde sensoriel. Les mythologies de la Terre ne rapportent pas d'autres exemples d'une telle implication, bien que d'autres cas soient possibles, étant donnée l'infinité des mondes.

La situation exceptionnelle de Sophia suscitait un intérêt suprême chez les Gnostiques. La chute de la déesse était en fait le motif central de leur cosmologie complexe et de vaste portée. Cet événement eut des conséquences très particulières. Une ligne de l'Evangile de Philippe y fait allusion, “le système de monde en lequel nous demeurons émergea en raison d'une anomalie”. (CNH, II, 3.75). Mais cette ligne est généralement traduite par “le monde émergea au travers d'une erreur”. Cette traduction dénigre l'allusion à la violation d'un principe cosmique perpétré par Sophia et laisse à penser que les Gnostiques doivent avoir rejeté ce monde, la planète Terre, comme un objet inférieur et dévalué. Au contraire, les Gnostiques révéraient la Terre comme la demeure de Sagesse, la Déesse Sophia. Le culte de la Magna Mater (la Grande Mère) était le thème central et unifiant des Mystères Païens dont les Gnostiques étaient les instructeurs et les guides.

La reconnaissance par les Gnostiques de la présence de Sophia en la Terre se reflète également dans la tradition mystique Juive de la littérature de sagesse que l'on retrouve, par exemple, dans la beauté obsédante des Odes de Salomon. Dans le but de promouvoir les doctrines Judéo-Chrétiennes, les éléments Sophianiques de la littérature de Sagesse furent voilés et supprimés, pour ne pas dire totalement éradiqués. Pour un exposé des altérations théologiques, voir l'ouvrage de Raphael Patai, The Hebrew Goddess et celui d'Anne Baring et de Jules Cashford The Myth of the Goddess, plus particulièrement le chapitre 12, The Hidden Goddess in the Old Testament.

Bien que cela soit le matériau Gnostique qui contienne l'histoire la plus dramatique d'une Déesse qui tomba des cieux et se métamorphosa en la Terre, cette histoire n'est pas l'apanage des sources Gnostiques-Païennes. Elle se retrouve aussi dans les traditions indigènes. Un exemple, parmi une douzaine que nous puissions citer, vient des Indiens Thompson du nord-ouest Pacifique:

“Tout d'abord, Kujum-Chantu, la terre, était tel un être humain, une femme avec une tête, des bras et des jambes et un énorme ventre. Les humains originels vivaient à la surface de son ventre, [La légende raconte comment l'Ancien] transforma la femme céleste en la terre présente. Ses cheveux devinrent les arbres et l'herbe; sa chair, l'argile; ses os, les rochers; et son sang, les sources d'eau” (Charles Long dans Alpha: The Myths of Creation, pages 36/37).

Dans cette narration, “l'Ancien” serait l'équivalent de l'Originateur Gnostique. Au fil du développement de l'histoire, nous verrons comment les Gnostiques décrivirent une métamorphose similaire de Sophia en Gaïa, la déesse Terre.

Episode 1: une Forme en Rond de Fumée

Ténèbres blanches. L'artiste et cinéaste Maya Deren fut l'une des quelques Blanches qui reçut la permission d'apprendre la possession dans les cultes du Vaudou de Haïti. Sa description passionnante des transes-danses est un récit unique d'une expérience vécue de transcendance extatique de l'ego. (Maya Deren, The Voodoo Gods, Saint Albans, 1975 cité dans Shamans, Healers and Medicine Men de Holger Kalweit, page 69).

Deren utilise le terme “ténèbres blanches” pour décrire la force envoûtante qui la subjugue, jaillissant directement de la terre dans son corps, sa blancheur une gloire, et sa noirceur, la terreur. Cet effet extraordinaire dépend de l'abandon de soi et d'un certain degré de dépersonnalisation, bien qu'une partie observante de l'ego soit encore présente. Kalweit commente ainsi: la blancheur est la sublimité et les ténèbres, la terreur. Elles sont unifiées dans le paroxisme de la transe. Dans ce vide, se trouve l'oubli; le corps se déplace alors de la façon la plus sublime (page 72).


De la même manière, dans la région des Générateurs, il existe un vide empli de pouvoirs qui s'émeuvent de la façon la plus sublime, des dieux en transe, une danse divine. Le terme “ténèbres blanches” est paradoxal mais le paradoxe est souvent nécessaire pour mettre en valeur une réalité non-ordinaire.

A Photographic Atlas of Selected Regions of the Milky Way fut l'oeuvre publiée en 1927 par E. E. Barnard (1857-1923), un des pères fondateurs de l'astronomie moderne. Cette collection de photos en noir et blanc immaculé “posa les fondations pour la compréhension de la nature véritable des nébuleuses sombres” (Michael E. Bakich “Barnard's Milky Way” dans Astronomy d'août 2004). La photo de Barnard de la Nébuleuse Nord Américaine, prise le 4 septembre 1905 illustre ce que les astronomes appellent une “nébulosité sombre” et ce que j'appelle ici “ténèbres blanches”, à la suite de Maya Deren. Le phénomène que l'on voit ici est-il le résultat d'une lumière blanche éclaboussée sur un fond noir ou bien des ténèbres émergeant d'un arrière-plan blanc? Au prime abord, il semble que nous contemplions une poudre blanche éparse sur un velours noir mais plus on observe et plus cela devient difficile de déterminer lequel est réellement l'arrière-plan.

Une forme creuse qui se transforme en toutes formes. Techniquement, un toroïde. Un des attributs du toroïde est que la face intérieure qui définit la cavité centrale est identique avec sa face extérieure. Il n'y a, en fait qu'une surface, tout comme pour un ruban de Möbius. Le toroïde est le modèle fondamental de l'émanation, la forme à partir de laquelle toutes les autres formes peuvent être dérivées par conversion topologique. L'adjectif est toroïdal.


Lila, le jeu divin. La racine Sanscrite li- signifie se répandre, couler. Lila signifie le jeu, l'enchantement, le charme. (Il est peut-être important de souligner que le charme est un attribut des particules élémentaires dans la physique moderne. De telles particules ne sont, bien sûr, pas nommées dans le Mythos de Gaïa. Dans l'Hindouisme, le jeu divin est considéré comme étant l'activité principale des dieux. La notion selon laquelle les êtres humains accomplissement leur plein potentiel de par le jeu a été développée par Joseph Chilton Pearce parmi d'autres. Schiller écrivit: “Nous ne sommes pleinement humains que lorsque nous jouons”. Et il pourrait tout aussi bien avoir ajouté, le plus proche de la divinité.

Le concept de jeu est au coeur des métaphysiques Asiatiques. Alan Watts résume clairement la vision mystico-ludique:

“Le jeu de Lila du Soi est, rythmiquement et régulièrement, de s'oublier dans l'illusion créative (maya) que c'est tous ces êtres séparés, ces choses et ces événements que nous appelons le cosmos, de telle manière qu'en tant que chaque chose, elle semble n'être que celle là seulement. Lorsque le jeu s'est terminé, le Soi s'éveille à son identité originelle”. (Beyond Theology, pages 178-179).

C'est une paraphrase serrée de la philosophie Védantique, avec une accentuation typique sur le Soi transcendant, mais dans les enseignements Tantriques, le jeu est perçu de manière relativement différente. L'assertion concernant l'enjouement est cependant commune aux deux visions. Nous ne pouvons pas prendre conscience de la nature réelle du cosmos si nous considérons tout cela avec trop de sérieux.

Amour fondateur et absolu de l'Originateur. L'affirmation selon laquelle Dieu est amour n'est pas unique au Christianisme. Si cette équation est correcte et si le commandement d'aimer Dieu est respecté, cela signifie que nous serions appelés à aimer l'amour. Ou d'aimer ce que l'amour fait.

Certains textes Gnostiques mettent en valeur l'amour, qui embrasse tout, du Propater, l'Ancêtre ou le parent primordial mais les cosmologies Européennes, en général, tendent à utiliser Eros et ses cognats pour décrire la fondation suprême de l'émanation cosmique. Eros n'est pas l'amour, cependant. C'est un pouvoir liant qui permet à différentes choses, entités et processus, de passer au travers des uns des autres tout en restant identifiables tels qu'ils sont. C'est la colle magique du flux métamorphique, le pouvoir cohésif dans la fusion de toutes choses en d'autres choses. La religion Païenne a mis en valeur qu'Eros, non pas l'amour, imprègne le cosmos. Dans le mythe Orphique, par exemple, le monde sensoriel est produit à partir de l'Oeuf Cosmique par le pouvoir du premier principe, Eros Protogonos. La traduction habituelle du mot Grec eros en amour (dans les dialogues de Platon, par exemple) a été gravement trompeuse.

La manière par laquelle l'amour des dieux créateurs suprahumains pourrait opérer dans la réalité humaine fait partie, bien sûr, du mystère perpétuel, et dans une certaine mesure insondable, de la réalité humaine. La foi proclame l'amour de Dieu pour nous et ceux qui se saisissent ardemment de telles proclamations affirment avoir des expériences spéciales qui confirment leur vérité mais le mysticisme pratique explore librement le territoire interactif dans lequel les dieux et les humains s'influencent mutuellement.

L'amour fondateur, et qui embrasse tout, de l'Originateur est une matière de croyance pour certaines personnes et un sujet d'expérimentation pour d'autres.

Variations spirales. La forme de vortex primordiale, le toroïde, permute en formes innombrables qui sont estimées exister en milliards de variations dans tout l'univers s'il faut en croire les preuves photographiques transmises par le Télescope de Hubble. Alors qu'il travaillait en Californie, à Mount Wilson, dans les années 1930, Edwin Hubble fut le premier astronome moderne à prendre conscience que le système solaire est situé dans une île-galaxie flottant dans l'espace parmi un nombre incalculable de galaxies. Hubble proposa un système de classification des galaxies intégrant des variations telles que spirales parfaites, spirales barrées, elliptiques et irrégulières.

Plasma noir. Connu communément sous le nom de “matière noire” et estimée composer au moins 95% de toute la masse de l'univers. Donc une masse cachée, possédant des propriétés extrêmement occultes. Le concept de matière noire, introduit originellement pour expliquer certaines anomalies dans les calculs astrophysiques, introduisit encore plus d'anomalies. Les astrophysiciens échangent continuellement des arguments, lors des débats très ésotériques, pour tenter de déterminer si cette matière noire existe vraiment, si elle possède les propriétés qu'on lui attribue, si elle exsude des trous noirs ou si elle y est engouffrée, et ainsi de suite.


La matière noire n'est pas normalement décrite comme un état de plasma. C'est mon interprétation. Je préférerais utiliser le terme “état colloïdal”, ou juste” colloïde”, mais ce sont des termes étranges. Je crois que la masse noire est une solution colloïdale mais les termes colloïde et colloïdal ne sont pas très poétiques.

Dans les Mystères Egyptiens, la masse noire était connue comme la Lumière Osirienne. Le traité Hermétique Kore Kosmou, la Vierge du Monde, dit que le grade de Kamephis était représenté dans le culte mystériel (d'Osiris) par l'archi-hiérophante qui présidait au degré appelé le Mystère Noir, ou Rituel Noir, une rencontre avec la lumière noire. (G.R.S. Mead Thrice Greatest Hermes, Volume III, page 93). L'expérience durant des états altérés de conscience révèle trois types de lumière fondamentale: atmosphérique, organique et super-organique. La lumière Organique est de couleur blanc-crémeux, telle une solution visible d'opale ou d'albâtre. Elle imprègne tous les types de masse et elle anime la matière organique. La Lumière Noire Osirienne est super-organique. Elle ne produit pas d'états organiques mais elle génère les conditions pour la projection et le retrait de tels états. Les initiés qui pouvaient rencontrer et soutenir la présence consciente de ces trois sortes de lumière étaient appelés trismegistos, trois fois grand. D'où le titre Hermès Trismegistos.

Dans les rites shamaniques Méso-Américains, la masse noire était représentée par le miroir fumant d'obsidienne du sorcier Tezcalipoca, Oiseau-mouche sur la gauche, ainsi nommé parce que lorsque la perception de la lumière noire émerge, un bourdonnement de tonnerre est entendu du côté gauche de la tête.

Le Monde d'Atum, la Galaxie. Je fais ici quelques emprunts à la mythologie Egyptienne. Atum est un nom dérivé d'une racine signifiant à la fois “ne pas être” et “être complet”. La divinité est dite avoir existé au sein de l'abîme cosmique, Nun, et avoir donné forme à un monde manifesté. Ultérieurement identifié avec le soleil, Atum appartient en propre à la dimension galactique. Le monde d'Atum est la galaxie spirale à quatre bras dans laquelle notre soleil est localisé.

Les astronomes mettent Galaxie avec une majuscule pour faire référence à la galaxie qui est notre demeure, c'est à dire la galaxie en laquelle le soleil et les planètes sont situés. Elle est également appelée la Voie Lactée. Ce que nous percevons, cependant, dans la bande de fines poussières de lumière brillante ne représente qu'environ 3 % de la galaxie totale. Nous ne voyons qu'une petite section de coupe d'un des bras galactiques, vu de la région en laquelle le soleil se trouve. Le mot galaxie vient du Grec
galactos, qui signifie lait. Au-delà de la Voie Lactée se trouvent des milliards d'autres galaxies. Elles constituent ce qu'on appelle l'Univers, ou, si vous préférez, le Multiverse.

Amum. Un autre emprunt Egyptien. Si la forme manifestée de la galaxie à quatre bras dans laquelle nous demeurons peut être identifiée avec Atum, son coeur peut être identifié avec Amum, Celui qui est caché. C'est une divinité céleste Egyptienne d'origine antique. A Thèbes (Luxor) en Egypte, Amum était associé avec Mut, la déesse-vautour et avec Hathor, l'Eve Egyptienne. Ces deux Déesses peuvent être considérées comme des parentes proches de la Sophia Gnostique.

Je suspecte que le nom Amon fut utilisé par les astronomes Egyptiens en référence au coeur de la galaxie, pour le distinguer des bras en spirale. Bien que le coeur soit un ovale gigantesque de plasma rayonnant, la matière brute des étoiles, il n'inonde pas les bras galactiques d'une brillance inconcevable. Les astronomes modernes expliquent que des champs gigantesques de poussière cosmique voilent, à notre vue, la radiance du coeur galactique. Les Gnostiques diraient que Celui qui est Caché se voile afin qu'il ne puisse pas subjuguer le monde qu'il émane. L'auto-voilage de la divinité, ou du principe primordial, est un concept essentiel à la cosmologie Tantrique, une branche des métaphysiques Asiatiques qui présente de nombreux parallèles avec les enseignements Gnostiques.

La cohésion maternante. Dans son ouvrage What is Life?, Lynn Margullis amène constamment des réponses à la question posée dans le titre de l'ouvrage. Comme une réponse simple ne pourrait suffire, et que chacune de ces réponses pourrait être trompeuse, elle offre une réponse reformulée à la fin de chaque chapitre. En conclusion du chapitre 4, elle écrit: “La Vie est la représentation, la présence de chimies passées, un environnement passé de la Terre primitive qui, à cause de la vie, perdure sur la Terre moderne. C'est l'encapsulation aqueuse et membraneuse de l'espace-temps”. (italiques en gras ajoutées).

L'oeuvre pionnière de Lynn Margulis, dans la génétique cytoplasmique, mit en exergue que les formes de vie nucléaires, tout comme les formes de vie non-nucléaires, ne sont possibles que grâce à un processus mystérieux d'encapsulation, la cohésion maternante du cosmos. Dans le microcosme, aussi bien que dans le macrocosme, la vie dépend d'une membrane enveloppante. D'une certaine manière, les états de plasma initial de l'univers sont vivants, tout comme l'est le protoplasme, mais pour que la vie puisse perdurer, elle doit s'auto-limiter. La vie dépend de limites mais de limites qui soient poreuses. Les limites doivent être perméables pour que la symbiose puisse se manifester (en d'autres mots, pour la communion Erotique, comme nous l'avons suggéré ci-dessus dans “l'Amour fondateur et absolu de l'Originateur”). Les lois articulées par Margullis, pour les royaumes microcosmiques, s'appliquent également au niveau galactique (voir plus avant l'épisode 6: la Danse Sacrée de la Frontière).

Il peut être bénéfique de visualiser une galaxie comme une méduse afin de mieux comprendre le concept d'encapsulation aqueuse et membraneuse de l'espace-temps.

Nebulae, Nuages moléculaires. Le microcosme est peuplé de millions de formes de vie distinctes mais relativement peu de formes perdurent dans l'entièreté de l'univers. Dans une vision à grande échelle, les principaux objets de l'observation astrophysique sont seulement au nombre de neuf: les étoiles simples et doubles, les novae et supernovae (les étoiles en explosion), les amas globulaires d'étoiles, les amas ouverts, les nébuleuses de types planétaires et diffus, et, englobant toutes ces formes, les galaxies dont les variations ont été classifiées par Edwin Hubble. Il est généralement admis que les étoiles, souvent regroupées en pépinières d'amas ouverts, naissent dans les nébuleuses, des nuages de gaz massifs qui pendent comme des nappes spectrales dans les bras galactiques. Les amas globulaires tendent à se trouver dans des halos en dehors du plan des bras. Il existe, entre les galaxies, de vastes espaces vides dans lesquels flotteraient des champs de poussières invisibles.

La nébuleuse la plus proéminente, vue de la Terre, se trouve dans la Constellation d'Orion le Chasseur. Elle apparaît comme une tache d'orchidée et de couleur rose en-dessous et à gauche des trois étoiles reconnaissables qui définissent la ceinture d'Orion. A peine visible à l'oeil nu, il est plus facile de l'observer avec une paire de puissantes jumelles. Les astronomes savent maintenant que la Nébuleuse d'Orion, M 42, fait partie d'un nuage de gaz beaucoup plus grand, appelé nuage moléculaire géant, qui couvre la presque totalité de la Constellation d'Orion dans le ciel nocturne. La cohésion de tels nuages moléculaires géants est maintenue par la pesanteur et ils sont considérés comme les entités individuelles les plus massives de notre Galaxie avec une masse atteignant jusqu'à 10 millions de fois celle de notre Soleil et un diamètre variant entre 47 et 77 parsecs (de 150 à 250 années-lumière). (John Gribbin, Space, Our Final Frontier).



Une vue rapprochée du nuage moléculaire d'Orion (extrait de Gribbin, page 31) montre l'éclat caractéristique de couleur rose fumé avec de vagues figures de lumière planant au-dessus. Les astronomes ne considèrent pas qu'un tel nuage puisse contenir des composants organiques et, donc, le concept d'Anthropos, la matrice de l'espèce humaine, flottant tout là haut comme une membrane de rosée est ridicule et inacceptable, pour le moment. Les scientifiques modernes pensent, plutôt, que les nébuleuses sont chargées d'éléments inorganiques qui fournissent la base, l'infrastructure, pour la matière organique. Le mystère de l'émergence de la matière organique à partir de bases inorganiques est juste cela, un mystère. Techniquement, on appelle cela l'abiogenèse, “le développement d'organismes vivants à partir de matière non-vivante, comme dans l'origine supposée de la vie sur Terre” (Oxford Dictionary of Earth Sciences). Les scientifiques, à ce jour, sont tout aussi incapables de valider que d'invalider la thèse de l'abiogenèse.

Certains experts présentent une vision différente de la manière dont la vie organique se développa, néanmoins. Fred Hoyle et Chandra Wickramasinghe considèrent les nuages moléculaires, tel que celui de la Nébuleuse d'Orion, comme les berceaux cosmiques les plus naturels et croient que les processus à l'oeuvre dans de tels nuages sont au commencement de la dispersion de l'activité biologique dans la Galaxie. (Lyall Watson, Lifetide, page 36). Le mot clé dans cette phrase est commencement. Alors que la plupart des astronomes pensent que les processus biologiques émergent sur des planètes tournant autour d'étoiles nées dans des nébuleuses comme M 42, après que les planètes aient été pourvues de conditions précises favorisant la vie, Hoyle et Wickramasinghe maintiennent que la vie biologique commence dans les nuages moléculaires. Les formes qu'elle assume sont des spores minuscules, des unités d'acides nucléiques appelées propagules, qui contiennent des fragments du code génétique. Lynn Margulis a également suggéré que la vie moléculaire sous la forme de propagules peut exister dans l'ensemble de l'univers.

Puisque la vie apparaît sur des planètes en rotation autour de soleils qui naissent dans des nébuleuses, ces dernières peuvent être considérées comme des matrices vaporeuses de vie organique dans des rudiments primordiaux. Dans le Mythos de Gaïa, la Nébuleuse d'Orion est la niche d'une matrice d'acide nucléique qui représente un intérêt spécial pour l'Eon Sophia. En fait, Sa fascination pour cette matrice est ce qui l'amène à Son plongeon légendaire du royaume des dieux célestes (voir plus avant épisode 8).

Autour d'une étoile lovée dans le troisième bras de la Galaxie. Selon les techniques les plus sophistiquées de cartographies développées depuis les années 1970, notre système solaire, avec ses planètes, est situé dans le troisième bras en comptant à partir du coeur de la Galaxie. Ces bras sont nommés d'après des constellations visibles à partir de la sphère limitée d'observation sur Terre: le bras de Centaure, le plus proche du coeur galactique, puis le bras de l'Archer, puis le bras d'Orion et pour finir le bras de Persée, en bordure extérieure de la Galaxie. Le nom Orion possède donc un double usage. Il fait référence au troisième bras de notre Galaxie ainsi qu'à la constellation la plus proéminente de ce bras (en observant de notre point de vue très limité), la Constellation d'Orion, le Chasseur.

La destinée inhabituelle de l'Eon Sophia est intimement associée avec la région cosmique du troisième bras de notre Galaxie et plus particulièrement avec la Grande Nébuleuse d'Orion, ainsi que nous l'avons souligné.

Son attraction téméraire. Dans les textes Gnostiques, le mot Grec enthymesis fait référence à la passion téméraire de l'Eon Sophia. Dans la religion Grecque pré-classique, thymos était à la fois la cage thoracique et une force qui y demeure, un mélange d'empathie tendre et de passion libertine. Désir est la traduction habituelle d'enthymesis.

L'Eon Sophia est un courant turbulent, pourrait-on dire, avec une façon particulière de danser, un style extatique et sauvage. Une telle force extatique caractérise tous les dieux, bien sûr, mais dans le cas de Sophia, elle tend à devenir hors de contrôle et à dépasser les limites cosmiques. Son enthymesis est une passion à s'impliquer dans l'inconnu, sans la retenue et le respect des limites typiques des autres divinités. En raison de cette inclination, Sophia fut appelée
Prunikos, l'impétueuse, la scandaleuse. Les polémiques des Pères de l'église proférèrent, à l'encontre des Gnostiques, des accusations de perversité parce qu'ils révéraient à ce point une divinité pervertie. Pour Irénée, Sophia était une divinité orgiastique sujette à une excitation lubrique. (Contre les Hérésies, I, 17). Malheureusement, la plupart des récits de la chute de Sophia du Plérome émanent des polémiques dirigées à l'encontre des Gnostiques. Cet épisode crucial du Mythos de Sophia est largement préservé dans les rapports des adversaires. Néanmoins, on peut, avec suffisamment d'attention, reconstruire les grandes lignes du scénario original.

Selon les enseignements Gnostiques, considérés par les premiers Chrétiens comme rien de plus qu'un prétexte pour de scandaleuses orgies Païennes, Sophia Prunikos est la divinité prostituée qui s'accouple libertinement avec des forces inférieures, des puissances élémentales rôdant dans les champs de matière noire. Dans son état déchu, la déesse devient un canal pour de vastes brassages de matière élémentaire. La désignation Gnostique, Prunikos, émergea d'une empathie humaine pour l'effronterie d'une entité supra-humaine et ne contenait aucune nuance de condamnation morale. C'était un terme de révérence, une expression poétique inspirée par une expérience directe des énergies sauvages et libertines de Sophia.


Episode 2: Le Rêve des Eons

Eons. Ce sont les dieux primordiaux de la cosmologie Gnostique. On peut les appeler Générateurs comme nous l’avons déjà souligné. Pourquoi les appeler donc Eons alors que ce terme équivaut à Générateur? Tout d’abord, parce que le terme Eon possède une valeur rituelle et révérentielle. C’est en tant qu’Eon Sophia qu nous nous adressons à Gaïa dans sa vie pré-Terrestre. Secondement, parce que les Eons sont mieux conçus comme des dieux émanant qui requièrent des conditions pré-établies pour l’émanation, conditions étant pourvues par les Générateurs. Les Eons sont donc des Générateurs impliqués dans une réduction de phase, un processus de désengagement.

Je me sens obligé d’établir, dès le début du Mythos, que je ne suis pas en train de définir les Eons en catégories Eurocentriques de substance, caractéristiques de la tradition Platonique. Je n’appelle même pas les Eons des archétypes, le terme introduit par Jung qui pointe vers une voie pour sortir du dualisme Platonique mais qui ne nous en sort pas encore vraiment. L’Eon est un processus, non pas une substance, ni un phénomène structuré, ni une identité fixée. L’Eon n’est pas un Eidos Platonique, le modèle de substance parfaite distancée transcendentalement de sa projection inférieure d’ombre dans le monde sensoriel. Il existe un dualisme dans la cosmologie Gnostique mais non pas de la catégorie idéel/réel que nous héritons du rationnalisme Grec. C’est plutôt un dualisme participatif de style Asiatique d’une chose révélée au travers d’une autre, un événement se manifestant au travers d’un autre. C’est la dualité de rapport dynamique, Eros en action. Les Eons Gnostiques agissent habituellement en couples, Erotiquement associés.

Bien qu’ils ne soient pas des entités substantielles, les Eons peuvent être caractérisés comme possédant des marques reconnaissables d’identité, et même de personnalité. Cela est cohérent avec les visions indigènes des puissances mystérieuses dans le monde, mana, walonda, orenda, etc. Parmi les tribus Blackfeet du Montana, par exemple:

«Le Soleil est reconnu comme étant à la fois une personne autre qu’humaine et le principe ultime d’animation de la vie: cette position ontologique relève du devenir plutôt que de la stase et est donc signifiante en terme d’éthiques environnementales. De plus, ce n’est pas le Soleil en tant qu’être statique dans le monde (tel que la tradition Occidentale le conçoit) que les Blackfeet vénèrent, mais l’être qui demeure dans le monde en tant que personne, qui est à la fois présente et en processus.» (Dolores LaChapelle, “Sacred Land, Sacred Sex, Rapture of the Deep”, citant Jay West, page 124).

En bref, les traits personnels et quasi-humains, tels que je les attribue à Sophia et à d’autres Eons, peuvent être ainsi attribués parce que ces traits, bien qu’ils se manifestent dans l’expérience humaine, n’y sont pas limités et ne sont pas non plus le seul apanage de l’humanité. L’attribution du pathos humain à la nature est une tromperie pathétique, mais l’assertion selon laquelle les humains et la nature partagent des types communs de sentiments ne relève pas de cette appellation. Le fait que la nature puisse ressentir comme nous ressentons est une prémisse animiste, résolument démontrée dans le Mythos.

Dire que Sophia souffre de chagrin et de remords n’est pas une projection anthropomorphique d’un sentiment humain sur une entité divine imaginée. C’est tout simplement une façon d’indiquer que tout ce que nous pouvons ressentir, en tant qu’êtres limités par la condition humaine, n’est pas limité à notre expérience mais appartient au cadre plus large du cosmos considéré comme un organisme vivant, ressentant et conscient. Dire que la pesanteur ressent le frisson du plongeon, c’est, aux yeux de certains, attribuer à une loi aveugle de la nature des émotions qui ne se manifestent que dans des créatures dotées de sentiments, telles que nous le sommes. Cette objection va sûrement être soulevée. Mais je subodore que nous ne savons pas ce que la pesanteur ressent et de refuser qu’elle puisse ressentir quelque chose bloque l’investigation. Là où il y a de la force, il y a du ressenti. Là où il y a de la relation, de la structure, il y a de la conscience, une chose ou une action se révélant au travers d’une autre. Ce sont les lois du pathos organique, en contraste avec les lois aveugles de la nature non ressentante.

Tout un chacun est libre de choisir les lois en fonction desquelles il vit.

Mon choix de langage, dans ma description de l’Eon Sophia, est aussi mesuré que je le peux mais il appelle néanmoins des réserves. Lorsque j’écris «Par une rare exception, là, sur Terre, la divinité est révélée dans la magnificence. La nature est, sur Terre, la révélation d'une présence surnaturelle.» (Prélude), je ne souhaite pas établir Sophia comme une substance divine en dehors de la nature qui divinise, de quelque manière, la matière morte de la planète. La nature est une présence divine en elle-même et oeuvrant au travers de la nature, il est une intelligence particulière à une puissance cosmique, une activité supra-Terrestre qui reste normalement circonscrite à une autre dimension. C’est l’enseignement unique des métaphysiques Gnostiques concernant l’anomalie de Sophia demeurant en la Terre.

Le monde naturel ne requiert pas, ainsi, une divinité qui y demeure pour être sacré, pour être empreint de pouvoirs mystérieux et animants. La présence de Sophia, en tant que Gaïa, est une relation spéciale entre la vie consciente et ressentante sur Terre et les forces cosmiques enracinées dans le coeur de la Galaxie. Sophia est un nom pour la sagesse qui anime la planète, il est vrai, mais Elle le fait selon des voies supplétoires, imprégnant le vaste spectre d’animations qui appartient en propre à la biosphère. En effet, Sophia anime ce qui est déjà vivant et qui le sera toujours. Elle super-anime la Terre. “Pervasion” est le néologisme que je propose pour décrire un tel processus agissant en un autre et au travers d’un autre.

Nommés pour les intensités qu’ils processent et confèrent. Dans “Sacred Land, Sacred Sex, Rapture of the Deep”, Dolores LaChapelle met en valeur que le défaut intrinsèque à la tradition intellectuelle Occidentale réside dans son insistance à formuler la réalité en termes de substance plutôt qu’en termes de processus. Citant Joseph Needham sur le contraste entre la vision Orientale de la réalité ultime comme relations et la vision Occidentale de la réalité ultime en tant que substance, elle soutient que le Platonisme éleva le sujet pensant au rang de manipulateur mental désincarné qui travaille sur les substances du monde plutôt que d’entrer en relations avec les processus qui soutiennent le monde. Cette inclination atteint son paroxysme dans l’avidité capitaliste pour l’acquisition et les addictions à la substance.

Les Eons ne sont pas des substances divines mais des processus qui manifestent des traits distinctifs - on pourrait même parler de signatures. A l’image du Tao, les Eons constituent de grands courant qui jaillissent du Temps de Rêve. Ce sont des intensités plutôt que des entités. Dans la vision, fondée sur les processus, des métaphysiques Asiatiques et des sciences mystiques, tout ce qui existe est constitué d’intensités intermodulantes. Lorsque les Chinois évoquent la relation entre le ciel et la terre créant le monde, ils ont recours au terme Tien, qui n’est pas le ciel que nous connaissons mais la dynamique mystérieuse du ciel bleu de midi. C’est un monde de pure intensité (Robert Payne, Forever China, cité par Dolores LaChapelle, ibidem, page 220). Le ciel bleu et le soleil orange forment une relation. L’univers est une révélation d’intensités et non pas une juxtaposition de substances.

Le poète Rainer Maria Rilke était profondément sensible aux intensités. Dans les Elégies de Duino, il évoque la présence “d’anges”, d’alliés sublimes qui emmagasinent des intensités pour nous, à l’image des abeilles emmagasinant le miel. Selon Rilke, ce que nous ressentons n’est pas ressenti que par nous seuls, mais cela appartient au continuum vivant du cosmos dans son entièreté. Dans son introduction de The Selected Poetry of Rainer Maria Rilke, Robert Hass écrit: “Le sentiment humain n’est pas ici si problématique. Il ne fait pas que s’évaporer; il circule au travers des choses et il les constitue... Le sentiment, après tout, appartient aux anges. Ce sont les maîtres de l’intensité.” (page xii). Haas dit que les Elégies de Duino sont une “argumentation à l’encontre de nos vies ordinairement vécues” (page xiv). Le problème de la vie n’est pas ce que nous ressentons ou ce que nous ne ressentons pas mais bien o combien profondément nous ressentons. Tout comme les Elégies de Duino, le Mythos de Gaïa est une invitation à explorer nos sentiments aux profondeurs de nous-mêmes au point où ne soyons plus juste nous-mêmes. L’abandon est essentiel à l’empathie Gaïenne.

On trouve dans Castaneda la même accentuation sur l’intensité. Par exemple, les intensités spécifiques à un guerrier spirituel sont la sobriété, la fluidité, l’abandon, la vaillance, la force et l’élégance. Ces intensités sont également partagées par les animaux, par des êtres inorganiques et par les puissances qui sont à l’oeuvre dans tout le cosmos.

Plérome. Le mot Grec pour plénitude, complétude. C'est la compagnie des dieux en laquelle se trouve Sophia. En termes astronomiques, c'est l'ensemble des pouvoirs divins opérant au sein du coeur de notre Galaxie, ou génériquement parlant, de toute galaxie. Une vue panoramique latérale de notre galaxie révèle clairement le renflement central et les bras en spirales. Selon un inventaire récent, (The Two Micron All Sky Survey, 2MASS) il existe plus de 500 millions d'étoiles dans cette spirale lenticulaire régulière. La légère asymétrie qui témoigne d'une plus grande extension sur la droite est considérée comme indiquant la présence d'une barre pointant vers le système solaire. Les deux taches en bas à droite représentent des galaxies compagnes irrégulières, les Grand et Petit Nuages de Magellan, nommées en honneur de Magellan, le navigateur. Elles ne sont visibles que de l'hémisphère sud. Il n'est nul besoin de dire qu'il est impossible de photographier ou de scanner électroniquement notre galaxie de l'extérieur. L'image ci dessus est une simulation (Photo extraite de “Redesigning Way”, dans Sky and Telescope, septembre 2004).



L'étendue des bras est estimée à 110 000 années lumière et le renflement central, ou coeur galactique, est d'environ 15 000 années lumière. Notre système solaire est localisé à droite aux trois-cinquièmes environ du centre de la galaxie. L'extension des bras représente 7 fois l'épaisseur du renflement. Relativeme nt p arlant, les bras sont de l'épaisseur d'une feuille de papier. De par la rotation de l'immense armature (dans le sens des aiguilles d'une montre, vu de dessus), les étoiles composant les bras sont propulsées vers l'extérieur comme des gouttes d'eau éjectées d'un aspergeur en rotation. Notre soleil, l'une de ces gouttes, est mystérieusement propulsé de son point d'origine supposé dans la Nébuleuse d'Orion, de sorte qu'il se meut “de par son mouvement propre” au travers du bras qu'il occupe. A l'image d'un saumon, il semble naviguer à contre-courant vers le coeur galactique. Toutes les étoiles ne possèdent pas ce type particulier de “mouvement propre”.

Dans le Mythos de Gaïa, j'identifie le Plérome de la cosmologie Gnostique avec le renflement central de notre Galaxie. Les astronomes proposent maintenant que ce coeur soit occupé par un trou noir massif mais je suggère une autre hypothèse: le coeur consiste en lumière d'étoile de haute porosité et dépourvue de masse, à l'image d'un globe compact de mousse à raser. A l'intérieur de ce globe de lumière organique blanche se trouve un noyau de lumière noire super-organique ou “Minerai Osirien”. Au point stable du coeur de lumière noire se trouve l'Originateur. Comme le coeur est constitué de matière stellaire dans un état libre de masse, il maintient tout le manège céleste à flot. Dans ma conversion mythopoétique
dema, ponctués de soleils éclatants. Le manège gigantesque des bras en rotation tourne autour du noyau sans masse. Il n'existe donc pas d'hypothétique trou noir en son centre. Je ferai objection, d'un point de vue poétique, ainsi que d'autres point de vue, à identifier l'Originateur avec un trou noir!

Un battement de tambour. Le tambour du shaman est un instrument rituel utilisé durant la transe, la danse et le transport mystique. En sus de sa valeur fonctionnelle, le tambour représente un facteur unique dans l'expérience shamanique: une réception clairaudiente des signaux se déversant du coeur de la Galaxie. La pratique dans les sciences mystiques, tel que le yoga, met en avant cet effet surnaturel. Un son de tambour, appelé Nada, procède de la matrice de l'espace galactique. C'est pour cela que Shiva est dépeint avec un tambour lorsqu'il danse. Le battement de tambour cosmique est audible par tout le corps plutôt que par le sens de l'ouïe en tant que faculté isolée.

Tiges de lumière opalescente. Pour autant que je sache, la notion de rayons émanant latéralement du coeur galactique, et balayant les bras en spirale, émergea dans le discours public en 1987 durant les débats de la Convergence Harmonique. Jose Arguelles, un personnage central dans les discussions d'alors, proposa qu'un rayon émerge périodiquement du coeur galactique, ou balaye l'entièreté de la Galaxie, touchant périodiquement la Terre, car je n'en ai pas un souvenir exact. Il affirma que la population du monde Maya au 9 ème siècle disparut en masse lors de son absorption par un tel rayon. Cela semble être directement issu de l'imagination de José Arguelles. S'il existe une preuve artéfactuelle ou textuelle de cette notion dans la culture Méso-Américaine, ou dans toute autre culture, je n'en ai jamais eu connaissance.

Ce qui est étrange, un concept similaire émergea en 2003 de cercles scientifiques conventionnels. Une nouvelle carte de la région des bras galactique, à moins de 1000 années-lumière de la Terre, place le système solaire dans un large trou qui transperce le plan de la Galaxie. Les astronomes Français, en collaboration avec les scientifiques de l'Université de Californie à Berkeley, ont déterminé qu'il existe un système de cavités gazeuses emboîtées dans notre Galaxie, bien que l'origine de ces cavités reste du domaine des conjonctures. Elle semblent avoir été creusées par le passage de quelque entité colossale ou d'un courant déchaîné. Certains experts spéculent que le phénomène peut être causé par une supernovae générant d'intenses vents stellaires.

A ce jour, l'existence de tunnels filamenteux dans le medium interstellaire est un grand mystère mais qui s'accorde remarquablement avec le Mythe Gnostique de la Chute de Sophia.


Les techniques courantes de cartographie de la structure galactique n'ont pas beaucoup altéré notre perspective depuis une vingtaine d'années, en ce qui concerne notre région locale. En 1984, je fis un croquis des bras locaux pour une classe que je donnais à l'époque. Bien qu'un remodelage récent suggère un cinquième bras dans ce qu'on assumait être une structure uniforme à quatre bras, (Redesigning the Milky Way), le tableau général reste largement inchangé.

Mon croquis montre le soleil avec sa flotte de planètes situés dans le troisième des quatre bras qui sont en rotation autour du coeur galactique. Comme cela était destiné à être utilisé en observation à l'oeil nu, je proposai une “sphère d'observabilité” avec une unité de mesure de 4300 années-lumières. Toutes les étoiles que nous observons à l'oeil nu et toutes les constellations formées par ces étoiles, se trouvent dans cette sphère qui comprend une région représentant environ 3 % de la Galaxie totale!

Les quatre bras dépeints (de gauche à droite) sont: le Bras du Centaure, enveloppé étroitement autour du coeur galactique, le Bras de l'Archer ou du Sagittaire, le Bras d'Orion et le Bras de Persée. Ces Bras ne peuvent pas être observés et ils sont donc nommés en fonction de ce qui peut être vu. C'est à dire qu'ils sont nommés en fonction des constellations que nous observons lorsque nous regardons en direction de ces Bras. Les étoiles composant ces constellations ne sont pas réellement dans les Bras mais dans la sphère d'observabilité.

De l'intérieur du Bras d'Orion, nous ne voyons presqu'aucune autre étoile dans les autres bras. La Nébuleuse du Trifide est une exception notable, située sur le bord du Bras de l'Archer, juste à côté de nous en direction du centre galactique. La Voie Lactée est la bande concentrée d'étoiles que nous voyons en observant la fine bordure du Bras D'Orion, de l'intérieur. Au-dessus et au-delà de la population stellaire dense dans le bras, se trouvent des régions extra-limbiques dans lesquelles les étoiles sont largement dispersées tout en étant cependant associées avec la structure organique de notre Galaxie. La Grande Ourse, par exemple, se trouve bien au-dessus du plan défini par les populations stellaires denses du Bras

J'estime que l'étoile la plus distante visible à l'oeil nu, pour l'individu moyen, est chi Orionis, située à une distance de 4300 années-lumière. (Cette distance nous donne l'unité de mesure pour la sphère d'observabilité). Lorsque nous contemplons la Constellation d'Orion, nous regardons le bras galactique en lequel nous demeurons, dans la direction vers laquelle il se disperse. En effet, nous regardons en direction du passé, en amont dans l'espace-temps. Lorsque nous observons Deneb, dans la Constellation du Cygne, nous regardons en aval dans l'espace-temps, vers le futur. C'est la direction dans laquelle le soleil lui-même se déplace au sein du bras galactique, propulsé par sa force autonome (qui est appelée le “mouvement propre” du soleil).

De nombreuses orientations vers la structure cosmique sont indiquées par les constellations: par exemple, le vol du Cygne conduisant le soleil en aval, dans le bras galactique, vers le futur dans l'espace-temps. La découverte récente de mystérieux tunnels, s'étendant latéralement à partir du coeur galactique vers les bras galactiques, présentent l'opportunité d'une orientation étendue mais cela requiert un acte d'imagination car ces tunnels sont invisibles.



Une vue panoramique de la Galaxie, vers le bas, nous permet de visualiser comment un courant éruptant du coeur galactique (de couleur or foncé sur le croquis) pourrait s'étendre vers les bras. La pleine extension du Bras d'Orion à partir du centre vers son extrémité de dispersion est montrée en bleu clair. Ce bras est situé à environ trois-cinquièmes du renflement central. Le diamètre au travers des bras est estimé à 110 000 années lumière. (Je m'excuse pour la piètre qualité de l'image retrouvée dans des dossiers poussiéreux.)

En termes astronomiques, le Plongeon de Sophia à partir du coeur peut être visualisé comme un jaillissement de puissance provoquant une expulsion de matière du coeur au travers des bras galactiques en rotation. Le torrent d'énergie libre de masse laisse un tunnel derrière lui comme manifestation de son passage. La langue du jaillissement de puissance Sophianique s'étend vers un endroit spécifique du troisième bras, le nuage moléculaire de la Nébuleuse d'Orion. Les astronomes assument que notre soleil naquit dans ce nuage et en fut éjecté pour commencer son voyage en aval dans le bras galactique.

Les Eons ne quittent pas la masse centrale. La cosmologie Gnostique se caractérise par de nombreuses variations et lacunes mais elle est cohérente sur certains points. Un de ces points est la nécessité pour les Eons de respecter leurs limites et de ne pas outrepasser la membrane qui délimite la bordure extérieure du centre galactique (le “renflement central” comme les astronomes l'appellent, dépeint ci-dessus comme un ovale d'or foncé). Cette limite est nommé de diverses manières dans les Codex: stauros, horos, menix, hymen.

La méthode de création Eonique est une projection à distance, une émanation au travers des frontières cosmiques sans traverser ces frontières. Les Eons sont dits émaner de l'
ennoia, une intention cosmique, tout en restant centrés dans le Bythos, la profondeur infinie du vortex cosmique. La raison pour cette auto-limitation délibérée est de ne pas imposer leurs forces supérieures aux mondes générés par ces forces mêmes. S'ils ne respectaient pas leurs frontières, le processus cosmique se déliterait dans son intégralité. La nature physique se désintégrerait dans une rétroaction positive, tel un pont s'écroulant sous la force de bourrasques. Le besoin de retenue n'est pas difficile à appréhender car la nature sur Terre en fournit de nombreux exemples. Les rayons du soleil peuvent chauffer un étang d'eau mais si le soleil était trop près, l'étang s'évaporerait. Il est clair que si le soleil ne respectait pas ses limites, il pourrait évaporer les océans de la planète en l'espace de quelques secondes. Les limites sont essentielles à la symbiose afin qu'une forme de vie n'empiète pas sur une autre. L'autopoésie n'est rien d'autre qu'un terme “poétique” pour une formation de limites spontanée.

En termes humains, la retenue Eonique pourrait être comparée à l'amour que l'on éprouve pour une autre personne sans l'étouffer ou la consumer.

Les Eons habituellement restent détachés, altruistement, des mondes qu'ils émanent mais il peut y avoir des exceptions car il n'y sont pas obligés. L'intention cosmique, l'Ennoia des Eons, véhicule apparemment un sens inné des frontières, de sorte que des limites soient maintenues dans tout le microcosme et dans tout le macrocosme mais il n'existe pas de loi absolue qui empêche le dépassement des limites. Les Eons sont libres de plonger au coeur de ce qu'ils émanent. Et c'est exactement ce que l'Eon Sophia fit.



Episode 3: L'Accouplement des Dieux

Ils se transforment avec élégance en divinités sexuées. Il pourrait être argumenté que Dieu, la Divinité, l'Esprit (ou quelque autre terme que l'on choisisse pour désigner la réalité ultime) est au-delà du genre sexué mais on pourrait tout aussi bien affirmer que l'élément divin imprègne la sexualité et qu'il ne peut donc pas être totalement exclu des catégories de genre. Si le Divin se sexualise, il n'est pas inapproprié de le décrire en termes de genre. C'est la vision pérenne de la sagesse visionnaire Asiatique telle qu'on la trouve dans le Dzogchen, dans le Tantra et dans la Shivaïsme.

Chez Lao Tseu, le Tao est sexualisé en partie mâle, yang, et en partie femelle, yin. Comme nous l'avons souligné ci-dessus, le Tao en tant que pur processus est identique à l'Eon: c'est un nexus relationnel et dynamique plutôt qu'une entité substantielle telle qu'on l'appréhende dans les métaphysiques Occidentales post-Platoniciennes. Je mets de nouveau ce point en exergue, au risque de me répéter, pour que le Mythos ne tombe pas dans le piège du langage Grec, piège décrit par Dolores LaChapelle.

Elohim mâles et femelles, les Devas et les Zuras. La sexualité des dieux était un des fondements du paradigme religieux Païen. Je caractérise les sexes des Eons en fonction des deux manières par lesquelles les courants de force peuvent être visualisés: mâle, Zura, un pouvoir ancré dans sa source et femelle, Deva, une expulsion sans coeur de pouvoir. Ces polarités sont des aspects centrants et décentrants d'une unique activité de turbulence. Le jeu des Eons est un chaos pur, une complexité telle que la nouvelle science, qui porte ce nom, l'appréhende.

Les termes à la fois singulier et pluriel sont utilisés pour désigner les Dieux dans l'Ancien Testament. Elohim est un terme pluriel. Ce point a été chaudement débattu dans des querelles de chapelles afin de déterminer qui comprend le mieux ce que veut dire la Bible.

J'emprunte le langage pour le Mythos à la fois à la mythologie Hindoue et à la mythologie Perse dans lesquelles les Devas et les Azuras sont des divinités au plus haut niveau d'activité cosmique. Le mot Deva vient de la racine
div “briller, rayonner”, corrélée à la racine Indo-Européenne -dyaus et au latin deus. La Divinité est ce qui rayonne d'un pouvoir qui lui est intrinsèque, libre et autonome, et non pas dérivé d'une autre origine. La Divinité est la source auto-suffisante de puissance rayonnante.

L'origine d'
Azura (épelé également Asura) est inconnue mais semble avoir une connotation avec la divinité sexualisée d'un type mâle. Selon le Vayu Purana, “Les Asuras furent tout d'abord engendrés comme les fils des reins de Prajapati” (John Dowson, Hindu Mythology and Religion, page 27). Prajapati est un nom Sanskrit pour la Divinité manifestée dans la reproduction biologique par le biais de la méiose, la fusion du matériau génétique de deux cellules différentes en une troisième unité, distincte. Cette forme de reproduction est largement présente dans la nature mais elle est moins répandue que la mitose, la division de cellule produisant deux nouveaux noyaux avec la même composition que le noyau de la cellule originelle. La mitose, ou reproduction asexuée, est la norme pour les formes microbiennes ou bactériennes qui constituent la plus grande partie des organismes vivants sur la Terre. Les humains se reproduisent par méiose et les amibes se reproduisent par mitose.

Par une curiosité qui a engendré beaucoup de perplexité chez les mythologistes, les Azuras étaient considérés dans le mythe Hindou comme oeuvrant à l'encontre des Devas, les dieux bons mais dans le mythe Perse parallèle, les Devas sont mauvais et les Azuras sont bons. Je suggère que cette ambivalence puisse indiquer la manière selon laquelle la reproduction biologique par méiose, tout en servant à manifester la Divinité, peut également oeuvrer à l'encontre de notre reconnaissance de la façon dont elle le fait. Elle peut également indiquer comment les deux formes de reproduction, la méiose et la mitose, peuvent oeuvrer en antagonisme.

La problématique de la mitose versus la méiose est au coeur le plus profond de la destinée de l'espèce humaine et elle constitue un facteur déterminant dans le Mythos de Gaïa, plus particulièrement dans la troisième partie, la Rupture des Genres.

Son partenaire est Theletos, l'Intentionné. La matière Gnostique varie sur la question de savoir comment les Eons du Plérome sont accouplés. Il semble qu'il y ait beaucoup de permutations de couples chez les Dieux. Cela est sûrement une indication de la manière dont les Gnostiques percevaient dans le Plérome un reflet de leurs cellules initiatiques dans lesquelles les permutations sexuelles étaient communes. Sophia est le plus souvent accouplée avec Christos ou avec Thelete, mais Christos prédomine beaucoup plus dans les scénarios cosmologiques. Rien n'est connu de l'Eon Thelete à part son nom. C'est C’est le cas de douzaines d’Eons.

“Consort” en Grec est
paredros, utilisé dans le sens d'un couple permanent. Marie-Madeleine est décrite comme la compagne, koinonos, de Jésus, dans l'Evangile de Philippe et ailleurs, mais son titre dans les Mystères aurait été paredros.


Episode 4: Définition de la Singularité

Singularité. C'est l'entité théorique la plus mystérieuse dans la science moderne. La définition standard est plus qu'insatisfaisante: “un point de densité infinie et de volume nul”. Selon la théorie astrophysique courante:

“La façon dont l'Univers est aujourd'hui en expansion prouve qu'il tira son origine d'une singularité - ou du moins d'un point si petit et si dense que la théorie de la relativité générale s'écroule, un point encore plus petit qu'un proton ou qu'un neutron. A l'époque où il était aussi gros qu'un Atome Primordial de Lemaitre, l'Univers était déjà rapidement en expansion alors que l'espace s'étirait et la description la plus simple de l'Univers que nous ayons à notre disposition est l'intérieur d'un trou noir en rapide expansion” (John Gribbin, Space: our Final frontier, page 87).

Gribbin fait référence à un astronome Belge, Georges Lemaitre, un prêtre de l'Eglise Catholique et concepteur de la théorie du Big Bang. (Il faut surveiller ce qui vient de Belgique!) Dans les années 1930, Lemaitre reprit la découverte d'Edwin Hubble selon laquelle notre galaxie flotte dans un vaste océan noir peuplé d'autres galaxies ou des “univers-îles”. A partir de cette observation, les astronomes déduisirent rapidement que l'Univers (lorsqu'il est en majuscule, l'Univers indique la totalité des galaxies-îles, et pas seulement la Galaxie en laquelle nous demeurons) était en expansion dans toutes les directions simultanément. Lemaitre assuma que s'il en était ainsi, l'Univers “doit avoir été dans un état superdense il y a très longtemps, avec toutes choses... serrées ensemble dans un unique tas de matière possédant la même densité que le noyau d'un atome (ou une étoile neutron)” (ibidem, page 88). Lorsque cette masse superdense explosa, les galaxies furent produites et elles continuent encore de dériver en raison des effets résiduels de l'explosion initiale, le Big Bang. Lemaitre appela le coeur originel de l'explosion “l'Oeuf Cosmique.”

Gribbin souligne que “Lemaitre ne tenta pas d'expliquer d'où venait l'Oeuf Cosmique”. S'il était juste là, alors la théorie du Big Bang ne réussit pas à expliquer vraiment l'origine de l'univers. S'il était présent en tant que reliquat d'un Univers antérieur qui s'était étendu à son maximum et qui s'était ensuite effondré sur lui-même, alors la théorie du Big Bang entre dans le modèle plus inclusif de l'émanation cyclique, le modèle cosmologique des métaphysiques Asiatiques. La théorie de l'émanation n'attribue ni commencement ni fin ultimes à l'Univers. C'est également un des fondements de la cosmologie intrinsèque au Mythos de Gaïa.

Si le cosmos n'a ni commencement ni fin, il n'est pas nécessaire de les expliquer. Ce qui nécessite une explication, c'est la manière dont
l'innovation émerge dans un cosmos qui se recycle continuellement. A mes yeux, c'est l'une des cinq problématiques les plus primordiales de l'astrophysique. Dans le Mythos, j'utilise le terme singularité pour qualifier l'émergence de l'innovation, l'introduction d'un nouveau script de l'histoire, ou d'un nouveau épisode du scénario, dans l'ancienne narration. J'adopte ainsi le terme à mes propres fins, en tirant profit de ses possibilités narratives, mais ce faisant, je ne suis pas obligé d'adhérer aux notions théoriques standard qui sont afférentes à la singularité. Le problème avec la théorie de Lemaitre est qu'elle se fonde sur la conception d'une matière superdense et ignore totalement la possibilité d'une matière libre de masse.

Je crois que la matière du coeur galactique est libre de masse et donc capable de flotter dans la lourde structure des bras en rotation. La signature dynamique de la matière libre de masse est la porosité. En raison de sa connaissance incomplète des états colloïdaux, la science moderne n'est pas capable d'évoquer un concept fonctionnel de porosité. Dans le Mythos de Gaïa, (épisode 6), l'image du corail est utilisée pour convier les dynamiques de haute porosité.

A ce jour en leur étreinte. Comme les dieux vivent au travers de ce qu'ils émanent, cependant sans le subjuguer par une intrusion trop intense de leurs pouvoirs, ils demeurent en nous et nous sommes dans leur étreinte, simultanément.

Rilke, le poète de la fin du Romantisme, avait une sensibilité intense au mystère de la vie qui imprègne. “de mutabilité, d'inter-changeabilité et d'ouverture infinies” et cette perception se reflétait intimement dans sa création poétique. “La plus grande partie des innovations linguistiques de Rilke... avaient à faire avec la fluidité et l'inter-pénétration. Un exemple typique est son usage du terme ausgefuhlt... 'ressenti au travers', par analogie avec 'oeuvré au travers” ou 'pensé au travers'. Ce 'ressenti au travers' des choses les plus diverses constituait la force spéciale de Rilke en tant que poète, sa faiblesse et son inadaptabilité en tant qu'homme” (Michael Hamburger, An Unofficial Rilke, page 17).

En tant qu'homme et que poète, Rilke était douloureusement conscient que ce qui est le plus proche de nous a tendance à nous échapper. Ce qui est totalement à notre portée semble étrangement distant. Lorsque nous aimons avec intensité, quoi que ce soit que nous aimions, si le sentiment est authentique et non pas illusoire, l'influence de notre amour nous traverse pour aller imprégner le monde et puis revient vers nous, du monde, comme par une transmission distante ou par un souffle oblique et tendre de chance.

Le Mythos suggère que les dynamiques de l'amour sont peut-être les mêmes pour les Dieux comme pour les êtres humains. Pour eux, comme pour nous, l'amour, lorsqu'il est authentique, ne se laissera jamais aller à des actes de possession ou d'identification.

A Suivre.....