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Démocratie, Europe, Durabilité, Solidarité

Quel est l'intrus parmi ces termes?

Hannes Lorenzen et Robert Lukesch

La société civile peut réinventer l’Europe

 

Le terne éclat de l’Europe

L’unification européenne est un grand événement de l’histoire universelle. De nombreuses régions du monde admirent les nations du vieux continent, jadis ennemies jurées, qui parviennent depuis plus de soixante ans à travailler ensemble pacifiquement et avec succès. En Europe orientale, en Asie, en Afrique et en Amérique latine, l’Union européenne est reconnue comme une instance de conseil en matière d’intégration transfrontalière et pacifique. Contrairement aux alliances militaires comme l’OTAN, sa force d’attraction ne se nourrit pas de la peur des voisins, mais bien plus d’un espoir de coopération démocratique. Fondée par six États, elle s’est entre-temps élargie à vingt-sept membres et la liste des pays candidats à l’adhésion est longue.

Seuls ses propres citoyens ne l’aiment manifestement pas. Ils perçoivent l’Union comme bureaucratique, technocratique, froide et lointaine. Les responsables politiques de toutes les tendances et de tous les pays ont contribué à lui forger cette image. Ils peuvent s’attendre à des applaudissements lorsqu’ils fustigent «Bruxelles» comme un monstre antidémocratique. L’idée européenne n’est visiblement pas soutenue par les citoyens des États membres. Chaque fois qu’ils ont pu se prononcer sur des projets communs directement par référendum, ils ont dit non. Les Danois, les Britanniques et les Suédois étaient et restent opposés à l’euro. Les Français et les Néerlandais ont refusé la Constitution européenne et les Irlandais ont récemment rejeté le traité de Lisbonne réformant les institutions européennes. Quasiment personne ne doute que de nombreux États membres ayant ratifié le traité par voie parlementaire n’y seraient pas parvenus par référendum.

Le projet européen est-il dépassé?

Il y a huit ans à peine, les États membres de l’UE convenaient d’un ambitieux projet commun. Ils formulaient ce qu’on appelle les objectifs de Lisbonne, destinés à faire de l’UE la région la plus compétitive du monde d’ici 2010 et «dans le cadre de l’objectif global de développement durable, un guide pour le progrès économique, social et environnemental dans le monde». Un an plus tard, le Conseil européen approuvait les objectifs de Göteborg, sur la base desquels la protection renforcée de l’environnement et la gestion durable ont été intégrées dans le traité sur l’UE. Ce projet s’apparentait à l’acceptation du défi mondial par la restructuration sociale et environnementale simultanée de l’économie.

Pour le moment, de la région la plus compétitive du monde, il n’en est rien. Dans nombre de secteurs industriels traditionnels ou plus récents, principalement dans les technologies de l’information, les nouveaux géants de la croissance, le Brésil, la Chine et l’Inde, ont dépassé l’UE. En ce qui concerne l’accès aux gisements de pétrole, de gaz et de métaux qui s’épuisent vite, d’autres sont également en tête. La pression pour s’adapter à la répartition mondiale du travail et à la réduction des coûts et pour sacrifier les normes sociales et environnementales intégrées augmente rapidement.

Cette pression extérieure inhabituelle et la baisse rapide de l’engouement des citoyens pour l’Europe remettent de plus en plus en question les valeurs et les principes inscrits dans les traités fondateurs, comme la démocratie, la solidarité et la durabilité Les citoyens se sont déjà purement et simplement habitués à nombre d’entre eux, comme la participation de représentations d’intérêts et de la société civile au processus de prise de décisions politiques, ou bien ne peuvent pas vraiment croire qu’un jour les concepts d’économie durable ou de justice et d’équité puissent être appliqués entre tous les peuples de la terre.

Des valeurs comme la démocratie, la solidarité et la gestion durable ne sont pas vécues par la plupart des citoyens européens comme un défi et une chance de coopérer au-delà des frontières nationales et ainsi de se renforcer mutuellement en tant que communauté, mais comme une limite à ce qu’ils ressentent comme leur intérêt national de s’imposer dans la concurrence internationale:

la démocratie européenne perd sa force d’attraction faute d’initiatives européennes en matière de communication, de formation et de participation des citoyens aux décisions d’avenir. Par exemple, les règles en matière de concurrence internationale ne sont pas communiquées et ne sont donc pas considérées comme influençables. Le fait que l’UE n’ait pas imposé activement des normes minimales relatives, par exemple, à la protection de l’environnement, des consommateurs et des animaux dans les négociations sur les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a conforté les détracteurs de la mondialisation et de l’UE, qui ont Contribué peu après au rejet de la constitution européenne en France;

le principe de solidarité européenne n’est pas identifiable dans la construction de nouvelles autoroutes et de réseaux ferroviaires transeuropéens, ni dans la promotion d’installations industrielles d’engraissement de porcs par un fonds agricole commun. La redistribution, dans le cadre de la politique agricole, structurelle et de cohésion commune, de près de 100 milliards d’euros des États membres les plus riches en faveur des régions les plus pauvres est mal accueillie, car la population n’est pas suffisamment impliquée dans l’utilisation de ces fonds sur le terrain. Les revendications contre cette caisse commune, les demandes de diminution du budget européen, de réductions et de dérogations trouvent donc un écho populaire («I want my money back»);

la durabilité, enfin, correspond certes au souhait de nombreux citoyens de ne pas accabler les générations futures et de gérer ’la nature et les ressources d’une manière raisonnable. À cela s’oppose la contradiction de l’économie de ne pouvoir se permettre une gestion durable qu’avec davantage de croissance économique et de progrès techniques. Les limites sont particulièrement claires dans le domaine de la lutte contre le changement climatique. L’industrie automobile allemande empêche la mise en place de normes maximales de pollution ambitieuses et le syndicalisme agricole, une réaffectation judicieuse des subventions à l’agriculture. À ce jour, la réduction de la consommation d’énergie, de la vente de marchandises ou du transport reste dans l’UE également une simple déclaration d’intention, ce qui mine la motivation des citoyens à participer à ces efforts.

Alors qu'il s'est construit par la mise en commun de ressources matérielles (charbon, acier, produits agricoles...) et d'outils institutionnels (marché unique, unions douanière et monétaire...), il manque au projet européen une mutualisation de ses richesses immatérielles -qui demeure encore trop embryonnaire- qui rapprocherait davantage les citoyens (l'éducation, la connaissance, la culture, et l'innovation).

 

L’Union Européenne, un État disséminé

Dans la mesure où les principes fondamentaux de la construction européenne ne sont plus présents et concrets pour les citoyens, l’UE perd également sa force d’attraction et son influence positive dans le monde. La crise prolongée autour de la Constitution européenne fait d’elle un pionnier de l’intégration démocratique de moins en moins crédible. En tant qu’«observatrice» parmi les pays du G8, l’UE joue le rôle de la neuvième roue du carrosse. Lors du cycle de négociations de Doha, clos sans résultat à Genève en juillet 2008, le monde a été témoin de la dissonance entre son représentant, le commissaire européen Mandelson, et les intérêts des différents pays européens pris individuellement. L’UE a envoyé une troupe de maintien de la paix au Tchad et en a confié le commandement à une partie au conflit déclarée (la France). Elle s’est ainsi présentée comme un État disséminé, plein de contradictions, et non comme un guide pour le progrès économique, social et environnemental dans le monde.

Tant que l’UE imitera, voire parodiera, les actes d’un État-nation, tant que l'union des citoyens ne se substituera pas aux rivalités nationales, elle continuera de perdre son influence et sa force d’attraction dans le monde. Elle élève ainsi la stagnation politique au niveau mondial, qui contraste tant avec le réel changement international. Les institutions de la société mondiale reflètent, comme celles de l’UE, la réalité d’il y a cinquante ans. La nomination du président de la Banque mondiale par les États-Unis et celle du président du FMI par l’UE, la présence d’États européens de taille moyenne au G8, alors que ni la Chine, ni l’Inde ni le Brésil n’y sont représentés, ou encore la nécessité d’avoir un visa pour les États-Unis pour assister à l’Assemblée générale des Nations unies ne sont que des détails anecdotiques d’une situation générale tristement ridicule.

 

«N’oubliez pas que vous êtes des citoyens du monde»

Même avec la meilleure volonté, la «communauté mondiale» des États et des groupes de sociétés ne trouvera aucune solution si elle n’associe pas la société civile comme force intégrante. La société civile fonctionne dans de nombreux pays aux niveaux local et régional d’une manière variée et maintient la cohésion, même et particulièrement en temps de menaces internes et externes. Pour en avoir un exemple concret, allez à Sarajevo. De 1992 à 1995, cette ville a été encerclée par une armée ennemie et terrorisée par des tireurs embusqués. Aujourd’hui, 13 ans plus tard, la vie y bat son plein, en dépit du climat politique vraiment peu propice. Tout cela grâce à la volonté de vivre inébranlable et à la capacité d’organisation de la population, qui reconstruit, pierre après pierre, maison après maison, rue après rue, pour vivre ensemble pacifiquement et en toute quiétude.

Lorsque vous êtes à Sarajevo et que vous allez vous promener au bord de la Miljacka, regardez l’eau qui coule dans son lit creusé artificiellement en terrasses. Vous remarquerez alors sous chaque rebord des bouteilles en plastique et des balles en caoutchouc qui dansent de-ci de-là, prisonnières des remous du courant, sans pouvoir s’échapper et continuer de descendre la rivière. Tant qu’il n’y a pas de crue, il semble qu’ils resteront sur place.

À l’instar des bouteilles en plastique dans la Miljacka, les États et les groupes de sociétés dansent sur place de-ci de-là lors de leurs conférences mondiales, inéluctablement prisonniers de leur logique d’action. Cela tient à leur poids: ils sont trop légers.

La société civile leur donnerait ce poids dont ils ont besoin pour prendre des décisions clairvoyantes et réalisables. L’ère de l’information a créé les conditions techniques et organisationnelles nécessaires pour élever la participation des niveaux locaux et régionaux au niveau mondial.

L’UE contribue déjà de façon importante à la connexion interrégionale de la société civile, mais elle n’est pas parvenue à se redéfinir elle-même en projet de la société civile.

Nous sommes convaincus que la contribution judicieuse de l’Europe, voire sa vocation, consiste à jouer un rôle particulier dans la prise de responsabilité de la société civile pour un développement durable. Cette contribution au monde lui apportera, dans l’esprit de ses citoyens, cette légitimation, et ainsi ce poids, qu’elle ne pourra jamais obtenir en tant qu’«État disséminé».

«N’oubliez pas que vous êtes des citoyens du monde.» Ces derniers mots de son père ghanéen, adressés à sa descendance et transmis par le philosophe Kwame Anthony Appiah, peuvent nous encourager à renvoyer la balle: au lieu de dénoncer l’UE comme responsable de l’aliénation de notre cadre de vie dans le tourbillon de la mondialisation, faisons d’elle un soutien à l’essor de la société civile, pour la rendre apte à assumer la responsabilité de la démocratie, de la solidarité et de la durabilité dans le monde. Car, si cette expérience réussit en Europe, elle deviendra naturellement un modèle pour le monde. Comme nous l’avons dit au début, l’Europe est observée avec espoir.

 

Adhérence et capacité de changement grâce à la société civile

Qu’est-ce qui caractérise la participation de la société civile au développement démocratique, solidaire et durable? En quoi consiste cette contribution, qui en fait la troisième force nécessaire à la mise en place de la société mondiale?

Proximité sociale, spatiale et temporelle: les groupements de la société civile se forment lorsque des conflits d’intérêts apparaissent ou que des changements sur le terrain sont devenus inévitables. Ils sont portés par l’engagement individuel. Parallèlement au traditionnel volontariat d’associations reconnues d’utilité publique, il existe un nombre croissant de réseaux, d’agences de développement et de centres d’aide et de conseils, rémunérés pour leurs activités professionnelles, et ce qu’on appelle les «stakeholders», représentants d’intérêts, dont l’engagement dans la société civile repose la plupart du temps sur des intérêts économiques ou professionnels.

Prise de responsabilité dans le cadre de la gouvernance: des partenariats public-privé et d’utilité publique entreprennent des missions communes, notamment dans le développement local et régional (agenda 21), dans le domaine social et culturel ainsi qu’en matière de protection de la nature et de l’environnement. Ils sont un pilier de la «gouvernance». Nous souhaitons ici décrire cette notion galvaudée comme la «gestion par le compromis des processus sociaux».

Légitimation par l’utilité: les activités des partenariats dans la société civile sont régies par des accords contractuels et sont en général limitées dans le temps. À vrai dire, la légitimation politique pour la réalisation de missions sociales leur fait défaut, mais ils acquièrent la légitimité et la reconnaissance par les avantages qu’ils apportent. Ils sont limités dans le temps et ils ne peuvent être prolongés qu’en fonction de leurs résultats.

Orientation vers l’avenir: le changement technologique, l’abolition de l’espace par les technologies de l’information, la mobilité et les migrations rendent visiblement plus difficile de ne fonder son identité sociale que sur les origines et les traditions («attachement au passé»). Ces valeurs représentent certes des ressources importantes, mais l’avenir est fusion, croisement, mélange. La communauté naîtra de l’intérêt général de s’entendre dans la paix. L’identité se forme par l’«attachement à l’avenir», par la représentation partagée d’un avenir dans lequel il fait bon vivre.

 

Penser européen - agir globalement

Avec la convention sur la constitution 2002/2003, l’UE avait tenté, vraisemblablement sans avoir conscience de la portée de l’expérience, d’inoculer la culture de conseils propre à la société civile au cercle fermé des élites politiques. La tentative a commencé de façon timorée et a connu un échec retentissant. Le Premier ministre luxembourgeois, M. Juncker, qui doit le savoir, a émis la critique suivante: «la convention a été annoncée comme une grande manifestation démocratique. Je n’avais encore jamais vu une chambre noire plus sombre que la convention» (Spiegel du 16 juin 2003). C’était davantage qu’une simple occasion manquée. C’était un événement clé qui a paralysé progressivement les rouages politiques de l’UE, jusqu’à ce qu’ils s’arrêtent après le référendum irlandais.

Les trois principes cités, la démocratie, la solidarité et la durabilité, sont vécus et développés dans la société civile des Européennes et des Européens. L’UE a aussi partiellement reconnu et promu cet engagement. Citons notamment le programme d’échange universitaire ERASMUS, l’initiative LEADER concernant le développement rural, le programme URBAN pour la promotion du développement urbain durable, ainsi que la coopération territoriale européenne, connue sous le nom d’INTERREG. Ces programmes ne sont pas toujours, voire bien trop rarement, utilisés pour des projets intelligents, novateurs et efficaces. Toutefois, au lieu de favoriser une concurrence pour la solution la plus économique, ils permettent de pratiquer, au sens premier du terme, la coopération et le partenariat local, interrégional et transnational. La valeur ajoutée de cet investissement est considérable pour l’Europe. L’aptitude des hommes à travailler ensemble au-delà des frontières nationales et linguistiques et leur confiance s’en trouvent renforcées. À ce jour cependant, moins de 2 % du budget européen seulement est consacré à ce type d’aide.

L’UE dresse actuellement un bilan: la politique agricole commune sera soumise cette année à un «bilan de santé», c’est-à-dire un bilan de la réforme entamée en 2003. Les Fonds structurels européens (Fonds régional et social) seront examinés d’un œil critique. Pour les futures orientations, la Commission européenne a également fait élaborer divers scénarios de développement territorial jusqu’en 2030. Ils prévoient essentiellement deux solutions possibles: la concentration des subventions sur quelques régions compétitives à l’international ou la poursuite du soutien aux régions défavorisées.

Sous la présidence allemande au début de l’année 2007, l’UE a adopté l’«agenda territorial», qui esquisse les missions de politique régionale résultant du modèle de cohésion sociale et territoriale. La stratégie renouvelée de 2006 pour le développement durable renforce les quatre objectifs principaux: protection de l’environnement, cohésion sociale, prospérité économique et prise de responsabilité internationale. En septembre 2008 paraîtra, sous la présidence française, un «livre vert sur la cohésion territoriale». Le débat sur l’élaboration du budget à partir de 2014 bat déjà son plein.

 

Proposition de réorientation du budget de l’UE

Où les fonds européens sont-ils le mieux investis?

Dans des projets étroitement liés aux objectifs de durabilité, l’exhaustivité, et l’efficacité. Dans l’agriculture, cela implique par exemple que les subventions ne se fondent pas simplement sur la «conditionnalité», à savoir la conformité aux normes environnementales minimales, mais aussi sur les normes de production et de transformation utilisées dans l’agriculture biologique. Pour les entreprises et les infrastructures, cela signifie que seules les innovations qui contribuent activement à la lutte contre le changement climatique, aux économies de ressources et à l’amélioration durable de la qualité de vie recevront un soutien financier de l’UE. La correction des déséquilibres régionaux doit être réalisée grâce à un indice échelonné concernant les montants des moyens disponibles et les taux de subvention.

Dans la société civile: dans la formation qui encourage; dans l’innovation venant d’en bas et dans la collaboration; dans la coopération de régions pauvres et riches, de zones urbaines et rurales, d’anciens et de nouveaux États membres de la Communauté.

Si l’UE se considère comme un projet de civilisation et non comme l’acquis à défendre d’un super État disséminé, elle peut devenir le modèle déjà perçu par de nombreuses personnes, qui retiennent surtout son étonnante unification politique. Mais il ne s’agissait là que du premier pas, des fondations pour la prochaine étape, encore à franchir.

CEUR - Pour la durabilité

CEUR est l’acronyme de «Convention pour l’Europe urbaine et rurale» CURE= Convention for a sustainable urban and rural Europe). Derrière cette convention se trouvent des initiatives, des projets et des réseaux organisés de la société civile urbaine et rurale (www.cureforsustainability.eu). L’objectif de la CEUR est de surmonter le fossé politique et matériel entre les programmes de développement régional (destinés aux pôles de croissance urbains) et rural, afin de permettre une politique régionale intégrée et durable. Car, jusqu’à présent, la politique régionale et la politique pour les zones rurales (également appelée «deuxième pilier de la politique agricole») sont conçues, décidées et mises en œuvre séparément, presque sans aucun lien. Seules de rares régions, comme l’État libre de Saxe en Allemagne ou la province du Tyrol en Autriche, sont parvenues, grâce à leurs propres efforts, à concilier les programmes de soutien.

Il y a un an, des représentants et représentantes du réseau CEUR se sont rendus à la Commission européenne et lui ont proposé de participer activement à la discussion sur la réforme à ce sujet. Ils relèvent des expériences positives qui méritent d’être étudiées de près, afin de servir à d’autres et d’orienter l’UE et les États membres lors de la conception des nouveaux programmes d’aide. Ils peuvent apprendre comment les agriculteurs, l’industrie de transformation alimentaire et la distribution travaillent ensemble pour apporter des produits alimentaires de grande qualité aux consommateurs par la voie la plus courte. Ils peuvent s’inspirer de la coopération entre les zones urbaines et rurales pour arriver à un bilan énergétique équilibré, pour diminuer leur consommation de matières premières, et ce, tout en veillant au principe du chemin le plus court. Parmi tant de mauvais exemples concernant la gestion de l’espace et du sol, quelques villes, banlieues et régions sont parvenues à se mettre d’accord sur’ une utilisation optimale de l’espace et une politique régionale commune. Les villes et les régions peuvent apprendre l’une de l’autre, non seulement comment gérer des évolutions profondes (par exemple le passage de l’industrie lourde au tourisme) et les défis démographiques (l’intégration de nouveaux citoyens, des structures d’habitation adaptées aux personnes âgées), mais aussi comment en faire un avantage. Elles peuvent apprendre réciproquement comment concilier également la protection de la nature, les loisirs et le tourisme dans des zones densément peuplées. Et tout cela ne fonctionne dans la durée que si la population est impliquée et prend des responsabilités aux niveaux local, régional et interrégional. Il en existe d’excellents exemples, justement aussi au titre des fonds des programmes LEADER et URBAN mentionnés.

L’initiative CEUR a été accueillie favorablement. Le Parlement européen a créé une nouvelle ligne budgétaire à utiliser par la Commission pour ce processus. Quelques mois plus tard, dix régions européennes ont déposé une demande de projet INTERREG pour échanger leurs expériences concernant les coopérations fructueuses entre zones urbaines et rurales. La direction générale de la politique régionale de la Commission européenne entame en septembre prochain une série de séminaires auxquels les réseaux de la société civile sont également invités.

Il ne reste désormais plus qu’à espérer que les conseils découlant des prochaines réunions prévues sous les présidences française et tchèque portent leurs fruits. En mai 2009, la Commission organisera une grande conférence dont on attend d’importantes orientations pour l’élaboration future de la politique agricole, régionale et de cohésion en Europe.

Si cet espoir se réalise, les instruments européens en matière de politique régionale intégreront à partir de 2014 les expériences et les propositions des experts et des acteurs de terrain qui coopèrent dans les réseaux et apporteront ainsi leur contribution à un avenir démocratique, solidaire et durable.

Hannes Lorenzen et Robert Lukesch, Bruxelles et Hirzenrigl, Septembre 2008

Hannes Lorenzen, allemand de la région de Friesland du Nord est conseiller politique à la Commission de l'Agriculture et de Développement Rural du Parlement Européen. Robert Lukesch, autrichien est conseiller indépendant de planification régionale en Autriche.

Les deux auteurs sont Co-initiateurs du réseau CURE (CEUR) et actifs dans d'autres réseaux européens de la société civile