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Etat grippal

Yan Fievet

Source: Le Grand Soir. 3 septembre 2009

C’est décidément plus fort que nous : il nous est difficile de rester sereins face à la prometteuse pandémie de ce début de vingt-et-unième siècle. Non que nous soyons vraiment inquiétés par la gravité annoncée de la maladie. Non que sa menace nous détourne le moins du monde de nos occupations ni même de nos préoccupations habituelles ou impromptues. C’est le doute qui petit à petit envahit notre esprit. Et s’il ne s’agissait là que d’une terrifiante intoxication planétaire orchestrée par la classe techno-scientiste, mosaïque puissante faite des ténors de la médecine officielle, des responsables de la « santé publique », de patrons avisés de laboratoires pharmaceutiques et de dirigeants politiques sous influence ou calculateurs ?

Paranoïa ? Jugeons-en !

Le 7 juillet s’est tenue à l’OMS la réunion d’un groupe consultatif bondé de dirigeants de Baxter, Novartis et Sanofi, trois des principaux acteurs de « big pharma ». Ce groupe, probablement plus que simplement consultatif, a recommandé la vaccination obligatoire à l’automne prochain aux États-Unis, en Europe et dans nombre d’autres pays, contre le virus H1N1 de la « grippe porcine ». L’OMS refuse de communiquer le compte-rendu de cette importante réunion. Un porte-parole de l’Organisation affirme même qu’il n’en existe pas de procès-verbal quand on a pourtant décidé de programmer la vaccination quasiment pour le monde entier ! Comment cela est-il possible sans que les élus et les dirigeants des pays démocratiques au moins s’en étonnent ? Un procès-verbal est ici indispensable, non pour vérifier sur le papier la recommandation de l’OMS, mais pour connaître les arguments qui la motivent. Nous ne savons toujours pas si le virus dont on parle tant a réellement été isolé, dûment répertorié, est observable avec certitude au microscope.

Pourquoi tant de mystère ? Nous savons depuis longtemps qu’il est difficile – et peut-être impossible – de déterminer le bon arbitrage entre la recherche de l’intérêt général et la poursuite d’intérêts lucratifs particuliers. L’OMS est censée incarner le premier ; les firmes susnommées portent les seconds sans conteste. Craint-on alors de révéler que la grippe dite porcine est avant tout un énorme marché pour des multinationales qui n’inventent plus grand-chose depuis des années ? Que la maladie n’est finalement pas si dangereuse sauf pour les personnes déjà fragilisées par d’autres causes ? Il est troublant de constater que les victimes du virus étaient toutes très vulnérables, comme toutes les victimes des grippes annuelles. Ne peut-on pas se contenter de vacciner les personnes vulnérables, en lieu et place des individus « indispensables à la nation » ? Dans le cadre du Règlement Sanitaire International, en cas d’urgence pandémique, du type prévu avec la deuxième vague plus meurtrière de propagation du virus H1N1, les directives de l’OMS ont un caractère fortement contraignant pour l’ensemble des 194 pays qui lui sont affiliés. L’OMS dispose de l’autorité pour obliger à la vaccination générale, d’imposer des quarantaines et de limiter les voyages. L’opacité entretenue par les protagonistes de « l’affaire de la rentrée » ne fait qu’accroître le doute.

Mais au fait, contre quoi va-t-on nous vacciner ? Dans un excès d’honnêteté, « big pharma » avoue que le vaccin massivement commandé par les autorités sanitaires de nombreux pays ne sera pas prêt avant la fin du mois d’octobre et que d’ici là le virus peut fort bien muter encore. Le cas échéant, le vaccin ne jouerait évidemment pas son rôle. Pire, il pourrait lui-même être très dangereux comme celui mis en circulation au Mexique au début de la « pandémie » et que Baxter, sans craindre le ridicule, justifie par une erreur de manipulation en laboratoire. Comme pour rassurer les firmes aventurières, la Secrétaire d’État à la santé des États-Unis, Kathleen Sebelius, a signé en juillet dernier un décret conférant une totale immunité aux fabricants de vaccins contre la grippe H1N1, en cas de poursuite judiciaire. De plus le programme accéléré – de sept milliards de dollars – pour la fabrication du vaccin ne prévoit pas de test de sécurité. Est-il encore permis dans de telles conditions de parler de santé publique ?

Ainsi, les enjeux de la pandémie débordent largement le cadre sanitaire. Ce qui se prépare en France nous éclaire mieux sur le prétexte que va constituer la grippe au retour de nos vacances. Une nouvelle est passée inaperçue : Le 3 juillet dernier, la direction générale du travail a publié une circulaire « relative à la pandémie grippale » afin de préparer les entreprises et les administrations à une propagation rapide du virus. À la lecture de la circulaire DGT 2009/16, on remarque rapidement qu’il n’y est pas seulement question de santé et de masques. En cas de pandémie grave, les conditions de travail des salariés risquent d’en pâtir. Une série de préconisations, à caractère exceptionnel, permettra aux employeurs de jouer sur la flexibilité de leur personnel.

« Il en va de la survie de l’économie nationale, des entreprises et de la sauvegarde de l’emploi » dit-on dans ce texte pour le moins opportuniste. En cas de passage en phase 5B ou 6 de la pandémie – ce que Roselyne Bachelot envisage dès septembre – l’employeur pourrait donc « adapter l’organisation de son entreprise et le travail des salariés ». Le volume horaire de travail ou le nombre de tâches à effectuer pourraient augmenter « par décision unilatérale de l’employeur ». Et de préciser au passage que « le refus du salarié, sauf s´il est protégé, constitue une faute pouvant justifier le licenciement ».

L’aubaine était trop belle ! Le pouvoir s’attendant à une rentrée difficile sur le plan social, le virus H1 N1 lui offre une occasion inespérée de faire diversion tout en durcissant les règles du contrôle social. En ce dernier point, nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Il ne faut donc rien attendre du côté de l’apaisement vis-à-vis d’une menace sanitaire qui pourrait rester vague encore longtemps. Ensuite, il faudra trouver autre chose pour tenter de faire oublier qu’en France le mécanisme de l’ascenseur social est bel et bien grippé depuis des lustres.