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Requiem pour nos Abeilles

Dominique Guillet

Voir Page 5

Syndrome d’Effondrement des Colonies Humaines

Selon les entomologistes, les abeilles seraient sur la Planète depuis au moins une centaine de millions d’années puisqu’une équipe de chercheurs de l’université de l’Oregon a annoncé l’an passé la découverte du plus vieux fossile d’abeille de l’espèce Melittosphex burmensis découvert dans de l’ambre en Birmanie datant du crétacé.

On peut penser que l’humanité a co-évolué avec les abeilles depuis quelques dizaines de milliers d’années et que l’apiculture a été pratiquée, sous une forme ou une autre, depuis dix mille ans.

En l’espace d’à peine un siècle, la société moderne occidentale a presque réussi à éradiquer l’abeille à miel et le sort des abeilles sauvages ne vaut guère mieux. Quelle prouesse!

En fait, les agresseurs de l’abeille que nous venons de décrire ne sont pas des ennemis: ce ne sont que des agents de nettoyage chargés d’éliminer ce qui n’est pas conforme aux lois de la nature. Et pourquoi l’apiculture moderne n’est-elle pas conforme aux lois de la nature? Parce que l’homme moderne a perdu tout sens du sacré. Il n’est obsédé que par la productivité. Il faut que cela crache, et en l’occurrence, du miel, de l’estomac de l’abeille. Et puis bien sûr de la force de pollinisation. John Lennon aurait pu tout aussi bien chanter: “honeybee is the nigger of the food world!”

Le seul ennemi véritable de l’abeille, son seul prédateur à l’échelle planétaire, c’est l’homme moderne.

Albert Einstein prévint l’humanité que “si l’abeille disparaissait de la surface du globe, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre, plus de pollinisation, plus d’herbe, plus d’animaux, plus d’hommes.”

En 1923, Rudolf Steiner annonça l’effondrement des abeilles

Bien avant Einstein, Rudolf Steiner, le fondateur de l’agriculture biodynamique, condamna fermement l’élevage des reines lors d’un cycle de conférences sur l’abeille qu’il donna aux apiculteurs en 1923. Lors de ce cycle de conférences, empreintes de poésie et de perception véritable de la nature de l’abeille, un apiculteur professionnel fit part de son incompréhension totale quant à la condamnation, par Steiner, de l’élevage des reines.

Rudolf Steiner insista alors que si on continuait de remplacer les forces organiques à l’oeuvre dans la ruche par des forces mécaniques (dont l’élevage artificiel des reines à partir de larves d’ouvrières) la situation deviendrait très grave pour les abeilles. Il donna rendez-vous à l’apiculteur un siècle plus tard en le prévenant qu’à cette date, si ces pratiques artificielles perduraient, il n’y aurait plus d’élevage de reines, à savoir que les abeilles auraient tout simplement disparu.

En bref, Rudolf Steiner, qui avait déjà pressenti en 1924 l’avènement de la “vache folle”, annonça en 1923 l’effondrement des abeilles. Il ajouta que la survie de l’humanité dépendait de la survie de l’abeille.

Un siècle ne s’est pas encore écoulé, mais l’échéance semble se rapprocher très rapidement. Et elle est peut-être déjà là car dans une autre conférence, Steiner donnait une échéance à 80 ans. Ce qui est maintenant.


Une quête obsessionnelle de reines d’élite

CSelon Maurice Chaudière “Depuis que l'homme est homme, il parasite l'abeille ... Ce qui est étonnant, dans cette relation «homme-abeille», c'est qu'il soit possible de prélever sur la ruche une part de son bien sans pour autant la ruiner!”

En effet, les abeilles, contrairement à leur appelation commune, ne sont pas domestiquées (du latin, “domus”, maison). Du moins, elles ne l’ont pas été jusqu’au début du 20 ème siècle, époque à laquelle les apiculteurs ont commencé à élever les reines. Cette époque de 1910/1920 est d’ailleurs l’époque durant laquelle les premiers hybrides F1 de maïs ont été introduits avec tout le cortège de concepts nébuleux: vigueur hybride, semences élite, lignées pures, etc. Ce sont les premières tentatives de mise en captivité de la semence (processus de dégénérescence) pour en aboutir au gène moderne du Terminator qui stérilise la plante, qui l’empêche de porter des semences fertiles.

Ne peut-on penser que l’abeille a été réellement mise en captivité lorsque l’apiculteur a commencé à élever les reines et à les inséminer de façon artificielle? Ce fut le début de l’élevage des reines “en batterie” pour une apiculture en “batterie.” (est ce que le terme batterie fait référence à la “compagnie d’artillerie et son matériel”?).

D’ailleurs un des premiers avantages de la sélection des reines est d’éviter l’essaimage naturel, source de beaucoup de tracas pour les apiculteurs. En bref, d’éviter que les abeilles partent à l’aventure, d’éviter qu’elles brisent leurs chaînes car rappelons-le, ce ne sont pas des animaux domestiqués.

Dans la nature, les reines s’accouplent de 10 à 40 fois en l’espace de quelques jours. Le nombre d’accouplements varie en fonction des espèces d’abeilles et des sous-espèces. L’Association Mellifica cite les travaux du généticien français Frank. P dont la thèse de doctorat portait sur “l’Approche génétique des questions évolutives associées à la sociobiologie et à la phylogéographie de l’abeille domestique”.

Dans la batterie, la spermathèque de la reine est inséminée avec le sperme de quelques dizaines de bourdons. La reine est anesthésiée au CO2 et immobilisée dans un tube plastique durant cette intervention chirurgicale.

Pourquoi les abeilles du genre Apis ont-elles choisi la polyandrie?

Il est évident que la réponse à cette question essentielle dépasse le cadre de cet article. C’est peut-être, cependant, une des clés essentielles à la survie de l’abeille à miel, si tant est que cela soit encore possible.

N’y a t-il pas des leçons à apprendre de la façon dont les “Killer bees”, les abeilles africanisées, sont en train de se réapproprier un certain territoire. Elles sont déjà aux USA dans 9 états du sud et lorsqu’elles arrivent dans une région, il semble qu’elles soient capables d’africaniser de 20 à 30% des ruchers en une année. Il semblerait aussi qu’elles s’adoucissent au fur et à mesure de leur installation dans un terroir. Elles sont également plus résistantes naturellement à la varroase.

Par contre, elles essaiment quand bon leur semble et elles sont très peu coopératives quant à un usage intempestif de leur force de travail pour des pollinisations d’ampleur industrielle.

Selon certaines études qui ont été effectuées, des reines inséminées avec du sperme de bourdons africanisés et du sperme de bourdons non africanisés ont tendance à solliciter, à 70 %, de leur spermathèque du sperme de bourdon africanisé. Pourquoi?

Un ultime message des abeilles

Toutes les civilisations ont considéré l’abeille comme un animal sacré. Les Mayas, qui considéraient les abeilles comme une émanation de la lumière solaire, avaient même une divinité de l’abeille, Ah Muzen Cab. Pour Maurice Chaudière, “les flèches d’Eros ne sont que des abeilles à la discrétion d’Aphrodite.” L’Artémise d’Ephèse avait à ses pieds un essaim.

Que reste-t-il de cette vision de l’abeille dans l’apiculture moderne? Il n’en reste rien. L’abeille est une esclave au service de l’agriculture militarisée. La reine est une esclave sexuelle inséminée dans des laboratoires aseptisés.

Pour Gunther Hauk, directeur du Centre Pfeiffer aux USA: “En ce qui concerne cet étrange phénomène, dénommé syndrome d’effondrement des colonies, au cours duquel les abeilles quittent la maison et ne reviennent pas, je souhaiterais suggérer la ligne de réflexion suivante. Lorsque le stress, les poisons, la nourriture frelatée, et des “pratiques d’exploitation”, doublées d’un manque de respect et de considération, atteignent un certain niveau, l’essence spirituelle, cette composante de l’être qui maintient l’intégrité de l’organisme, disparaît. Lorsque nous regardons un animal, nous percevons son corps physique. Les Amérindiens, encore clairvoyants, “percevaient” cette entité spirituelle qui préside aux instincts vitaux de l’animal en toute sagesse. Ils appelaient cette entité spirituelle le “Grand Ours” ou le “Grand Bison”. Nous serions enclins à penser que lorsque la “Grande Abeille” subit toutes ces forces destructives, elle se détache de l’entité physique”.

Lorsque le centre spirituel de la ruche est ainsi affaibli, l’abeille individuelle s’envole et ne revient plus. Parce qu’elle n’a, en fait, nulle part où revenir. La “Grande Abeille”, que l’on pourrait appeler l’âme-groupe, ne peut pas maintenir l’intégrité de la colonie.”


C’est sans doute le message ultime des abeilles: elles se détachent de l’humanité, elles s’en vont mourir en groupe. Par dizaines de milliards, et elles ont même la décence de ne pas encombrer de leurs cadavres leurs camps de concentrations. Ultime délicatesse.

Elles transhument définitivement. Peut-être vers une autre planète ou vers un autre cosmos? Ou peut-être vers une autre humanité, plus respectueuse? Transhumance pouvant être interprétée comme trans-humus, au-delà du terroir, ou comme trans-humain, au delà de l’humanité.

L’apiculture solaire de Maurice Chaudière

Nous ne voudrions pas terminer cet article sans amener une note d’espoir car il existe encore, de par le monde, des apiculteurs amoureux de leurs abeilles qui peuvent comprendre que le moment n’est plus venu de chercher à l’extérieur des produits chimiques miracles ou de nouvelles super-reines hyper-sélectionnées.

La réponse est à l’intérieur, elle est dans le coeur des apiculteurs. Maurice Chaudière, à 80 ans, possède toujours intact cet amour des abeilles qu’il leur a prodigués durant 60 années d’apiculture. Maurice est un sculpteur, un poète, un pédagogue, un greffeur, un apiculteur, un éleveur, un jardinier... A une époque où le Da Vinci code envahit les étagères de nos librairies, (pour faire rêver le peuple ou pour le préparer à une grande révélation?) nous serions enclins à percevoir en Maurice une expression magnifique et fertile de cette énergie Da Vinci qui se serait focalisée sur la gestion des ressources naturelles.

“Nous sommes, les abeilles et nous, dans le même bateau. Si on s’appliquait à respecter leur intégrité sauvage, car elles n’ont jamais été domestiquées mais seulement “exploitées”, alors notre comportement lui-même en serait changé. A vivre au rythme des abeilles, c’est à dire au rythme de la nature, on aurait quelque chance de se refaire une santé”.

“Un autre enseignement issu de l'observation des abeilles et qui me convaincrait, s'il en était besoin, de l'impérieuse nécessité de protéger autour de nous la biodiversité, c'est le regain d'énergie que l'on peut provoquer auprès d'une ruche déficiente en la libérant du carcan auquel l'Apiculture moderne l'avait astreinte. Dès que le couvain d'une ruche s'avère irrégulier ou malade, si on délivre l'essaim de ses cadres armés de cire gaufrée, de ses fils métalliques et de son habitacle plus ou moins cubique et si on le remet dans sa “condition de nature”, c'est à dire sans aucun de ces artifices, en le laissant s'installer dans un abri de fortune où il aura toute liberté de se constituer en grappe, il aura retrouvé sa meilleure condition d'incubation. Or l'incubation est la fonction essentielle de la ruche puisque la colonie est tenue de couver son élevage pour assurer le renouvellement permanent de sa population, chaque abeille survivant peu de temps à sa propre tâche. Encore faut-il que son environnement soit varié et indemne de tous les produits toxiques dont on fait si souvent usage pour donner à nos campagnes cette “propreté” qui fait parfois notre fierté!”

Maurice a développé une forme d’apiculture qu’il appelle “solaire”. Il a créé des ruches en terre qui constituent le parfait environnement pour les abeilles. Maurice est aussi l’inventeur d’une ruche extensible, de plus en plus connue en France, qui permet de traiter la varroase, de façon très simple, et sans aucun produit naturel ou de synthèse.

“Les avantages de la ruche extensible sont nombreux: on a éliminé les varroas, on a récolté de la gelée royale, on a provoqué et contrôlé l'essaimage, on a renouvelé la moitié des cires, on a procédé à un élevage naturel de reines, on a conduit une ruche à deux reines, on a doublé le volume du couvain et on a augmenté d'autant la récolte. De plus, aucun produit toxique n'est entré dans la ruche.”

Libérons les Abeilles

Libérons les abeilles avant que le syndrome d’effondrement des colonies ne devienne le syndrome d’effondrement des colonies humaines.

Libérons les abeilles de leur univers concentrationnaire, de la procréation en laboratoire, des fongicides, des pesticides et des insecticides, des rayonnements électromagnétiques et des chimères génétiques. Lorsqu’elles seront sorties de leur captivité, elles se libéreront bien, toute seules, de leurs parasites, ou appelés tels, car lorsque le terrain est sain, les parasites ne sont réellement que “ceux qui mangent à côté d’un autre”, au sens grec du terme.

Et l’homme, sans nul doute, doit être compté au nombre des parasites de l’abeille car, depuis l’aube des temps, elle partage avec lui les trésors de la ruche. Ces trésors, dont le nombre est celui des côtés de son alvéole, sont le miel, le pollen, la cire, la gelée royale, le venin et la propolis. Cette dernière substance est sûrement une des substances les plus thérapeutiques de cette planète: c’est pour cela qu’elle fut nommée “propolis”, “au-devant de la cité” car de la demeure de l’abeille, elle écarte les maux, du moins les maux d’origine naturelle. La propolis se révéla, en effet, impuissante pour protéger l’abeille des maux de la technologie humaine.

Il y avait sans doute encore, au siècle passé, près d’un million d’espèces d’insectes dans cette grande ruche planétaire. En l’espace de quelques dizaines d’années, de très nombreuses espèces furent éradiquées par l’agriculture toxique, par la déforestation, par la désertification, par l’urbanisation.

Dans ce million d’espèces d’insectes, l’abeille est unique. Le poète a pu dire que l’abeille ne vole jamais seule: elle est toujours accompagnée d’un esprit du feu qui l’adombre d’une aura de lumière dont la source est cosmique. Car l’abeille est, par excellence, le porteur de pollen, le messager du pollen et le pollen est un petit morceau de soleil. C’est pour cela que les civilisations antiques vénéraient l’abeille comme une émanation solaire, une messagère entre le Cosmos et la Terre.

N’est-il pas étrange que l’abeille, symbole de feu, se détache d’une humanité dont l’enthousiasme, au sens grec de “feu intérieur”, semble s’être étiolé, étouffé sous les cendres d’une technologie dont le plus-avoir lui tient lieu de bien-être?

N’est-il pas étrange que l’abeille solaire déserte la Terre au moment même où la planète commence à suffoquer sous les affres d’un réchauffement qui, la folie humaine aidant, la transformera, en très peu de temps, en un désert brûlant?

Dominique Guillet. Le 12 mai 2007

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